Il y a quelques mois, un journaliste célèbre, Amnon Abramovitch, affirmait lors d’un panel politique que les journalistes devaient protéger le Premier ministre, Ariel Sharon, comme s’il était un ‘’étrog’’, un cédrat. L’heure était alors au plan de retrait, et Abramovitch, qui n’a jamais caché ses opinions politiques, estimait que le moment n’était pas aux enquêtes sur la corruption entourant le chef du gouvernement. «Laissons-le évacuer la bande de Gaza, nous aviserons ensuite», disait-il.
Aujourd’hui, le retrait a été réalisé, Ariel Sharon hospitalisé, mais la politique de l’’’étrog’’ continue : c’est désormais le Premier ministre par intérim, Ehoud Olmert, qui subit les faveurs d’une grande partie de la branche journalistique. Alors que la mode est à la lutte contre la corruption politique, Olmert a droit à une protection spéciale. Cette tendance était ressentie mais depuis dimanche soir, confirmation a été obtenue : le journaliste Yoav Itshak, qui a par le passé mis à jour plusieurs affaires concernant le leadership israélien, a publié sur son site www.nfc.co.il une enquête très approfondie sur une affaire de corruption et de vol liée à Olmert. Alors qu’il y a encore quelques mois, une telle enquête aurait secoué le pays, les principaux médias ont soudainement décidé de devenir muets sur la question. Pas une ligne sur Yedioth Aharonoth ou sur Maariv, pas un mot sur la radio de l’armée ou Kol Israël, pas une image sur les différentes chaînes de télévision.
Selon Itshak, ce ‘’silence radio’’ n’est pas fortuit. Il affirme que plusieurs journalistes, qui ont eux-mêmes procédé à des enquêtes concernant le Premier ministre par intérim, se sont vus refusé leurs informations par la rédaction qui les emploie. Itshak a donc décidé, selon lui, de briser ce silence adopté par les médias.
Passons aux faits : selon NFC, Ehoud Olmert aurait procédé, en mars 2000, à un arbitrage fictif entre le club sportif Beitar Jérusalem et son ancien directeur, Moshé Dadash, arbitrage qui se serait conclu par le transfert de 6.2 millions de shekels sur le compte de ce dernier, alors que cet argent était d’abord destiné aux personnes avec lesquels Beitar avait contracté des dettes, notamment le Trésor, des fournisseurs, des banques et certains joueurs.
Ces informations sont connues des instances juridiques qui préfèrent pour le moment taire cette affaire. Les médias tenus au courant des implications de cette affaire ont également choisi, nous l’avons dit, de se taire.
Olmert, à qui NFC a demandé de réagir à son enquête, a refusé de répondre aux accusations d’arbitrage fictif lancées par Yoav Itshak. Il a cependant admis avoir été choisi comme médiateur par Beitar Jérusalem et Dadash et affirmé que les autorités aveint été tenues au courant.
Selon Itshak, ces affirmations sont erronées : le fait que l’avocat présent lors de la médiation, Me Nissim Aboulof, représentait et Beitar Jérusalem, et Dadash, les deux parties, n’a pas été révélé aux instances juridiques.
En 1999, Beitar Jérusalem, en pleine crise financière, décidait de vendre une partie de ses biens, en l’occurrence ses stades de Baït Vegan, pour éponger ses dettes. En contrepartie, elle obtint 27 millions de shekels. Cet argent devait être ensuite immédiatement versé aux différentes personnes et sociétés à qui Beitar devait de l’argent.
Mais les choses se sont passées quelque peu différemment. Quelques mois plus tard, l’organisation Beitar apprenait que Moshé Dadash, qui dirigeait le groupe Beitar, avait transféré sur son compte la somme de 6.2 millions de shekels, que, selon lui, lui devait le club et ce, sans avoir reçu la moindre autorisation du conseil d’administration.
Ce dernier ayant menacé de se plaindre, Dadash s’est alors tourné vers son ami, Ehoud Olmert, alors maire de Jérusalem, pour lui demander de trouver une méthode qui lui permette de garder cet argent.
L’affaire a été soigneusement montée, affirme Itshak. Dadash a, selon les instructions d’Olmert et de Me Aboulof, déposé une demande de remboursement de 2 millions de dollars, dus selon lui par Beitar. Lors de l’arbitrage, qui dura quelques minutes, Olmert se chargea alors de prendre le rôle du médiateur. Il conclut avec Dadash que celui-ci acceptait de ‘’renoncer’’ à une partie de la somme et se contenterait des 6.2 millions de shekels déjà transférés. C’est ainsi que Dadash réussit à ‘’doubler’’ tous les autres personnes à qui Beitar devait de l’argent.
Le simple fait que Me Aboulof représentait, durant cet arbitrage, les deux parties, est problématique et un véritable médiateur n’aurait jamais laissé passé ce genre d’infractions. Mais le pire, déclare Yoav Itshak, réside dans le fait que cette médiation a été totalement mise en scène par Ehoud Olmert, Moshé Dadash et Me Aboulof.