Face aux pays arabes membre de l'ONU, les Berbères auront besoin d'un soutien...
Quelqu'un aurait le mail de Sharon ?
En 2000, le Pr. Chafik publiait le "Manifeste amazigh", où il formalisait pour la première fois les revendications du mouvement berbère marocain. Aujourd’hui, le Congrès mondial amazigh a pris le relais… Mais cette fois, c’est à une tribune de l’ONU.
Il y a eu l’AMDH, l’OMDH, Amnesty International, Human Rights Watch et la FIDH.
Mais qui savait que les Imazighen avaient, eux aussi, remis un rapport alternatif à celui présenté par le gouvernement marocain au comité des droits de l’homme de l’ONU ?
Peu de gens en vérité, si ce n’est les militants assidus de l’amazighité.
Car, beaucoup pensaient que les énergies militantes amazighes avaient été canalisées lors de la création de l’IRCAM (Institut royal de la culture amazighe).
Oubliant un peu vite, comme le fait remarquer Ahmed Assid, chercheur à l’IRCAM et militant de longue date, que "l’Institut a une vocation culturelle, ce n’est pas une structure militante.
Pour ça, il y a d’autres canaux : s’exprimer à titre personnel ou au nom d’associations".
À d’autres que l’IRCAM donc, le soin de porter haut et fort les revendications amazighes.
En l’occurrence, au Congrès mondial amazigh (CMA), une ONG indépendante créée en 1995 et reconnue par l’ONU - dont sont membres la quasi-totalité des associations amazighes marocaines, mais aussi algériennes, tunisiennes, libyennes, hollandaises, françaises, etc.
Il y a peu, ce même CMA, dont émane aujourd’hui le rapport présenté devant l’ONU, avait publié un communiqué réclamant la reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle inscrite dans la Constitution marocaine.
Non sans défrayer la chronique.
Et pour cause !
B.a-ba de tout militant berbère, cette revendication a de quoi faire frémir plus d’un Marocain, sans parler des panarabistes convaincus !
Que dire alors, sur le contenu même de ce rapport, intitulé "Les Amazighs du Maroc : un peuple minorisé" !
Loin d’être anodin, le choix du titre résonne au contraire comme une réponse cinglante au gouvernement, lequel a évoqué la problématique amazighe dans le chapitre consacré au "droit des minorités".
Et ce, comme le constate le CMA, sans que les "autorités marocaines n’aient jamais publié le moindre résultat d’un recensement ayant permis de quantifier les composantes 'ethniques' du Maroc".
De là à conclure que cette présentation "vise en réalité à minorer leurs droits", il y a un pas que le CMA n’a pas hésité à franchir.
Sur près de 20 pages, les accusations portées contre le régime marocain ne concernent ni la loi antiterroriste, ni le désormais célèbre centre de détention secret de Témara, mais évoquent la "négation du peuple amazigh", "l’approche institutionnelle demeurée raciste", "l’inégalité des citoyens devant la loi", "l’absence de liberté de conscience et de culte"…
Des mots qui, s’attachant à d’autres maux que ceux dénoncés jusqu’alors, n’en mettent pas moins à mal l’image d’un Maroc pluriel, tolérant, ouvert…
Et qui ont, fort probablement, contribué à alimenter quelques-unes des observations finales remises le 5 novembre dernier par le comité des droits de l'homme de l’ONU.
Par exemple, lorsqu’il rappelle que "l’article 18 du Pacte protège toutes les religions et toutes les convictions anciennes et moins anciennes, grandes ou petites, et comporte le droit d’adopter la religion ou la conviction de son choix".
Ou quand ce même comité se dit préoccupé par des limitations de fait, des droits de réunion et d’association.
Rappelons ainsi que le Réseau amazigh pour la citoyenneté et ses sections locales, qui se revendiquent statutairement laïques, attendent depuis deux ans la délivrance de leur récépissé d’association.
Que fréquemment, d’autres associations amazighes se voient refuser l’octroi de salles de réunion appartenant aux collectivités locales, pourtant accordées à d’autres.
Certes, les auteurs n’oublient pas dans ce rapport de créditer le roi Mohammed VI pour son discours de juillet 2001, dans lequel il déclarait que l’identité amazighe était une "richesse nationale" et où il annonçait la création de l’IRCAM.
Il n’en demeure pas moins qu’en 4 ans, "le référentiel idéologique de l’État reste inchangé et les discriminations anti-amazighes demeurent la règle à tous les niveaux institutionnels".
Ce qui se décline pour nombre d’Imazighen par des vexations au quotidien, des humiliations. Voire, pour les militants, par des exactions.
Mais qui s’inquiète qu’au sein même des organes judiciaires, les citoyens amazighs ne comprenant pas et ne parlant pas l’arabe ont besoin, pour assurer leur défense, d’un traducteur ?
Autant dire des étrangers dans leur propre pays.
Que les mêmes n’ont droit qu’à 10 minutes quotidiennes d’informations en langue amazighe.
Et encore, sur la RTM, car 2M reste encore totalement hermétique.
Quel parti politique, organisation syndicale, ONG s’interroge sur l’enseignement du tifinagh, obligatoire depuis deux ans et qui se heurte toujours à une absence de formation des enseignants ?
"Nous avons pourtant remis au ministère les manuels de méthodologie, de pédagogie", atteste un Ahmed Assid, qui ne s’explique pas l’absence de coopération du MEN.
Qui encore, pour s’inquiéter de la circulaire dite "Basri", qui dresse une liste de prénoms autorisés et où les prénoms amazighs sont frappés d’interdiction ?
Il aura fallu attendre 5 longues années de procédure aux parents de la petite Numydia pour qu’ils obtiennent du juge, le droit d’appeler leur fille du prénom de leur choix !
Que penser, quand Ahmed Assid raconte qu’après que le conseil d’administration de l’IRCAM ait demandé à l’un de ses membres, en l’occurrence le représentant du ministère de l’Intérieur, de faire remonter leur demande de suppression de cette circulaire "Basri", celui-ci a eu une réaction plutôt inattendue : il n’est jamais revenu (sic !).
Et l’on pourrait multiplier les exemples à l’envi ; certains semblant même appartenir à un autre âge.
Comme ce qui s’est passé les 14 et 15 juin 2004 à l’université de Marrakech, où des étudiants amazighs se sont vus interdire "par la terreur, par des groupes panarabistes", tout usage de la langue amazighe sur le campus…
Sans que l’affaire ne connaisse de suite judiciaire.
Aux raisons de toutes ces discriminations, les auteurs du rapport avancent, en guise de constat amer : "Le Maroc demeure soumis exclusivement à une langue unique, une religion unique, une culture unique et finalement une identité arabo-islamique unique".
Plutôt rude.
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Revendications. Le CMA et les Nations unies
Les revendications du CMA sont bien connues de tous les militants de la cause amazighe pour avoir été formalisées il y a déjà 4 ans, par le Pr. Chafik, dans son "Manifeste berbère".
La nouveauté aujourd’hui est qu’elles sont portées devant le comité des droits de l’homme de l’ONU. Les Imazighen y ont gagné une tribune internationale pour affirmer leurs revendications nationales :
• Reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle, inscrite dans la Constitution marocaine
• Enseignement obligatoire de la langue amazighe à l’échelle nationale et à tous les niveaux du système éducatif
• Création d’une chaîne de TV publique amazighe et l’octroi de moyens suffisants à la radio amazighe, afin qu’elle puisse émettre 24h/24, sur tout le territoire national
• Création de structures de haut niveau pour la standardisation de la langue amazighe et la promotion de la culture amazighe
• Abolition de toutes les formes d’injustice et de discrimination à l’encontre des Amazighs
• Restitution des terres aux paysans spoliés et leur dédommagement
• Abolition de toutes les lois colonialistes portant notamment sur la spoliation des biens fonciers, forestiers et miniers des Amazighs
• Respect effectif des droits et des libertés individuels et collectifs, tels qu’universellement admis.