Deux évènements graves se sont produits en France à moins de trois mois d’intervalle : les émeutes qui ont touché notamment la banlieue parisienne puis l’enlèvement et le meurtre d’Ilan Halimi par une bande organisée de jeunes de Bagneux, localité proche de Paris.
L’un et l’autre ont fait l’objet d’interprétations divergentes, de sorte que le lien entre eux n’apparaît pas évident.
Ce crime particulièrement atroce s’inscrit-il dans la logique ethno-religieuse de ces émeutes ? Ou bien est-ce une pure coïncidence ?
C’est cette question qui fera l’objet de notre analyse.
La « crise des banlieues » : fin octobre-novembre 2005
La crise a commencé après que Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, eût qualifié de « racaille » les voyous sévissant dans des cités et à la suite de la mort accidentelle de deux adolescents entrés illégalement dans un local d’EDF après avoir été poursuivis, selon certains, par des policiers.
Mais personne n’ignore que l’incendie couvait depuis des années, voire des décennies. Nous n’en voulons pour preuve que les faits suivants :
1. Nicolas Sarkozy a déclaré le 23 février 2006 : « C'est [dans la région de Lyon] que sont apparues les premières émeutes urbaines, en 1981 et en 1983 à Vénissieux, en 1990 à Vaulx en Velin. C'est d'ici qu'est partie la marche des Beurs pour l'égalité des droits en 1983 ».
2. Certains quartiers sont devenus des zones de non-droit, lieux de trafics de tous sortes. En 2004, « 60 à 70 % des délinquants sont issus de l'immigration » (1). Selon TF1, Marseille n’a pas été touchée par les violences de l’automne 2005 car les mafieux locaux, voulant éviter l’intrusion des forces de police dans leurs quartiers, ont convaincu des émeutiers potentiels de ne pas troubler la cité phocéenne.
3. Dans les écoles de la République, certains sujets comme l’affaire Dreyfus ou la Shoah, sont devenus tabous (2). Des enseignants vivaient et vivent toujours sous la menace d’agressions verbales ou physiques : Karen Montet-Toutain, professeur d’arts appliqués, a été poignardée par un de ses élèves du lycée Louis-Blériot d'Etampes (Essonne) le 16 décembre 2005.
4. En mars 2005, au cours d’un défilé de protestation de lycéens contre la loi Fillion, des jeunes de banlieue ont déferlé sur la capitale, prenant à partie les Blancs qualifiés de « bolos » ou « borros », les « fils à papa des beaux quartiers », les rossant et les dépouillant, révélation d’un racisme anti-blanc longtemps occulté.
5. Pour la plupart sans emploi, de nombreux jeunes reçoivent, à domicile, des chaînes de télévision arabes ou iraniennes satellitaires qui programment des émissions djihadistes et antisémites, véhiculent les clichés sur la prétendue puissance des Juifs dominant le monde, et présentent faussement le conflit du Proche Orient comme le génocide du peuple palestinien par l’Etat Israël. A cela s’ajoutent les prêches enflammés de certains imams inspirés de versets anti-juifs du Coran.
Tout cela a créé un climat de haine, notamment anti-juive, contre « ceux qui ont tout, alors que nous n’avons rien » , pour citer le slogan lancé par un meneur.
Autant de prémisses annonçant le déchainement des violences dont les cibles ont été révélatrices. On ne s’est pas contenté d’incendier des automobiles et des locaux d’entreprises : on s’est attaqué aux écoles, aux centres culturels et sportifs publiques, bref à tous les symboles de la République et de la laïcité. Les mosquées ont été préservées de ces actes de vandalisme. Ce qui n’a pas été le cas de plusieurs églises, notamment à Romans-sur-Isère, et synagogues : le 16 novembre, agression contre la synagogue de Garges-lès-Gonesses (Val d'Oise), quelques jours plus tard tentative d'incendie criminel contre celle de Cachan. Et les cris « Allah Akbar » (Allah est le plus grand) et « On est à Jérusalem » ont été entendus et enregistrés lorsque les émeutiers affrontaient les forces de l’ordre.
Pour les pouvoirs publics, officiellement du moins, la « crise des banlieues » a été un phénomène social, une conséquence de la misère, du chômage et de la discrimination à l’égard de jeunes issus de l’immigration.
Au contraire, nombre d’observateurs, notamment des médias étrangers, ont conclu qu’il s’est agi d’une révolte ethno-religieuse, d’une sorte d’intifada, d’une insurrection contre les valeurs et institutions de la nation et de la république françaises.
Ceux qui ont dénoncé avec raison la dimension ethno-religieuse de cette révolte ont été taxés par la « presse progressiste » de racistes et de « néo-réacs ».
Le meurtre d’Ilan Halimi : Février 2006
Nous savons encore peu de choses sur les individus du « gang des barbares ». Youssouf Fofana semble avoir joué un rôle déterminant dans les actions de ce gang dont il s’estimait le « cerveau ».
On sait aujourd’hui que :
- Agé de 26 ans, Youssouf Fofana « est connu de la police pour 25 infractions commises depuis 1994, parmi lesquelles des faits de violence avec arme, vols à main armée, vol de véhicules, port illégal d’armes… » (3)
- Son gang est impliqué dans des affaires d’extorsions de fonds avec menaces de mort dont les victimes étaient pour la plupart des personnalités juives.
- Sur les sept tentatives d’enlèvement imputées à son gang, quatre ont concerné des Juifs.
Le but de l’enlèvement d’Ilan Halimi était sans doute l’argent ; mais ces motivations n’expliquent ni les sévices infligés, ni sa mise à mort qui n’est pas sans rappeler le sort réservé par des islamistes au journaliste américain et juif Daniel Pearl. Les tortures et l’assassinat d’Ilan Halimi ne peuvent avoir d’autre mobile que la haine antisémite et ceux qui en doutaient encore devraient être convaincus par ce message adressé par Youssouf Fofana, lors de la demande de rançon, à un rabbin proche de Ilan : « Un Juif a été kidnappé… »
Comment des adolescents et de jeunes adultes ont-ils pu en arriver là ?
Il n’y a sans doute pas une explication unique mais, tout comme pour les émeutes des cités, une série de facteurs interférant les uns avec les autres : désœuvrement, frustrations, jalousie vis-à-vis de ceux qui sont intégrés dans la société ou perçus comme tels, importation du conflit au Proche-Orient, autant d’éléments qui créent un terreau favorable à la violence et à l’antisémitisme. Mais il y a encore des zones d’ombres. Comment comprendre que l’un des membres de ce gang, expert en informatique, ait participé à cette séquestration alors qu’il exerçait, selon la presse, une activité professionnelle ?
Le comportement de ces adolescents et jeunes adultes peut trouver ses racines dans l‘esprit de victime – « Daoud Ouatara, 23 ans, prend la parole : "Nous, nous ne sommes que des Français issus de l'immigration, de la racaille. On n'est rien" » (3) - et le climat politico-ethno-religieux qui ont généré la « crise des banlieues ».
Mais pas seulement. Cette bande aurait pu comme d’autres se contenter du trafic de stupéfiants ou de la vente de portables ou voitures volés. C’est probablement le charisme pervers de leur chef qui a transformé ces voyous en tortionnaires et meurtriers. Mais que penser de ceux dans la cité qui savaient et n’ont rien dit ?