Avec le livre de Jean-Claude Milner «Les penchants criminels de l’Europe démocratique», la perspective change.
Ce grand intellectuel, spécialiste de linguistique, disciple de Lacan, observateur critique de la société française, signe une analyse minutieuse et radicale des relations contemporaines entre Europe et juifs. Le résultat a de quoi inquiéter.
Selon Milner, l’anti-judaïsme a de l’avenir, il va croître et embellir !
Point de départ :
les Lumières ont placé au centre de nos dispositifs de compréhension le couple «problème-solution» La société engendre des «problèmes» (aujourd’hui, le chômage, les retraites, l’école, par exemple), il appartient au politique de trouver la «solution», de préférence définitive, sinon le problème renaît.
C’est ainsi que les juifs sont apparus aux yeux des Lumières, et singulièrement de la Révolution française, comme un problème spécifique à résoudre.
Qu’on se souvienne par exemple de l’abbé Grégoire publiant en 1789 son «Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs»
Que se passe-t-il donc à ce moment ?
En Europe se développe une pensée de l’universalité de l’humain, au nom de laquelle doivent être dissous les particularismes.
La société moderne commence à étendre son emprise, elle tend à se confondre avec le corps politique, qui était demeuré jusqu’alors bien plus restreint.
Les ghettos sont à liquider au nom de l’égalité et de la liberté.
C’est ainsi qu’entre l’Europe et les juifs se constitue un «problème structurel»
Il va falloir mettre un terme au scandale de cette vie qui se poursuit à part, sans s’intégrer ni aux langues, ni aux mœurs, ni aux croyances communes.
Sinon, l’universalité ne serait qu’un vain mot.
Il n’y aura pas d’Europe moderne, politiquement et matériellement, sans une solution, elle aussi moderne, à ce problème.
Elle se nomme assimilation, citoyenneté, intégration, et vise à la disparition, à terme, de toute particularité des juifs.
Ils deviendront bourgeois cultivés, modèles du genre, citoyens d’un Etat-nation garant des droits de l’homme.
Milner n’est certes pas un modéré, ni un penseur des nuances.
C’est à la fois sa force et sa faiblesse. Les objections que soulèvent ses thèses sont nombreuses.
A l’oubli des massacres hitlériens sur lequel se serait bâtie l’Union européenne on peut opposer cette hantise du «plus jamais ça» qui a accompagné sa construction.
A l’opposition radicale entre Lumières et judaïsme on peut opposer une longue lignée d’exemples de leur conjugaison.
A cette architecture structurale aux aspects implacables que dessine Milner on peut reprocher d’ignorer les imprévus innombrables de l’Histoire, le jeu des aléas, la vie des contingences.
Malgré tout, quand on apprend, quelques jours après la sortie de ce livre en librairie, que 59 % des Européens considèrent Israël comme la principale menace pour la paix dans le monde, on peut craindre qu’il ait raison.
C’est une pensée désagréable. Mais la vérité est-elle un agrément ?