Les amis de Yehiel Nahari lui ont concocté une surprise extraordinaire pour la cérémonie de clôture de ses classes à la base d’entraînement de la police des frontières : la présence de sa mère, venue du Yémen pour revoir son fils.
http://www.kh-uia.org.il/Crisisnew/aliyaartical2002/french/210405%20french.htm
Tu m’as tellement manqué, maman !
Yehiel Nahari, 19 ans, a connu bien des vicissitudes dans sa vie : à sept ans, il a été transporté de son Yémen natal aux Etats-Unis par les Hassidim de Satmar. Depuis, il n’avait pas revu sa mère. Lors d’une opération clandestine, sa mère a été transportée en Israël et a eu le privilège de voir défiler son fils, désormais soldat de la police des frontières.
par Yehudit Yechezkeli, Yediot Aharonot, 29 mars 2005
Hier matin, le jeune conscrit de la police des frontières était tout excité à l’idée de la cérémonie de clôture de ses classes. Il ne savait pas que l’attendait une surprise inouïe, soigneusement préparée par ses commandants et ses copains de régiment.
Le défilé des recrues de la police des frontières, qui a eu lieu hier près du mochav Hadid, non loin de Lod, a débuté comme toutes les cérémonies de Tsahal. Les parents, munis d’appareils photo et assis sur des bancs de béton, flanqués de paniers pleins de nourriture, attendaient l’entrée sur la place de leurs fils, soldats de la police des frontières. La cérémonie a commencé à 13 heures précises.
Les commandants ont félicité les soldats après leur avoir remis leurs insignes et leurs distinctions.
Dans son allocution, le commandant de cette unité, le général de division Hussein Faris, a déclaré :
« Les soldats de la police des frontières sont le fer de lance de la lutte contre la délinquance et les gardiens des frontières d’Israël. »
Il a conclu son discours par ces mots :
« Un message personnel aux parents. Vous nous avez confié vos précieux enfants. Soyez certains que nous ferons tout notre possible pour les protéger. À présent, je vais dévier du protocole habituel. Nous avons la réputation d’être un corps uni, mais aussi une famille chaleureuse – et nous entendons garder cette réputation. »
À ce moment-là , Yehiel Nahari, de la compagnie Dror, fut appelé à s’approcher du podium, et le commandant poursuivit alors en lui disant :
« Nous avons fait venir votre mère du Yémen. »
Ébahi, Yehiel a fixé les yeux sur sa mère, vêtue du costume traditionnel des juives yéménites et qui a descendu les marches du podium en se dirigeant vers son fils. Il ne l’avait pas revue depuis 12 ans.
Incapable de contenir son émotion, Yehiel a éclaté en sanglots, comme beaucoup dans le public. Même les soldats les plus aguerris de la police des frontières étaient émus aux larmes.
« Je l’ai vue se diriger vers moi, je n’en croyais pas mes yeux. Je ne l’avais pas revue depuis mon départ du Yémen, petit garçon. Je l’ai fixée, stupéfait, sans parvenir à retenir mes larmes, » a déclaré Yehiel quelques instants plus tard.
Ils se sont embrassés longuement. Et sa mère lui a dit :
« Ne pleure pas, mon fils, un soldat ne pleure pas, attends que nous soyons seuls et nous pourrons pleurer ensemble. »
Parmi les responsables de cette opération secrète qui a consisté à faire venir la mère de Yehiel du Yémen, ses commandants et ses amis dirigés par Zohar Bushari, sergent major à la base d’entraînement de la police des frontières.
« Yehiel m’avait été présenté par un ami à lui, arrivé du Yémen il y a dix ans et qui avait été enrôlé dans la police des frontières six mois avant lui", raconte Bushari.
"Yehiel vivait seul dans un appartement de location à Rehovot. Ma femme Ronit et moi, nous sommes immédiatement pris d’affection pour lui et je lui ai recommandé d’effectuer son service militaire dans la police des frontières.
Pendant ses classes, il passait ses permissions chez nous. C’est ainsi qu’il a retrouvé sa sœur, Tsana, qui vit avec son mari et ses enfants au mochav Avnei Hefets. Vers la fin de ses classes, nous avons suggéré de faire venir sa mère afin qu’elle assiste au défilé traditionnel des recrues. Itzik Peretz, père d’un autre soldat, nous a fait don de la somme de 2000 dollars pour financer ce projet".
Ils ont bénéficié de l’aide de Shlomo Grafi, le responsable de l’immigration des derniers Juifs yéménites en Israël. Grafi, visiblement ému, a dit hier : « J’ai suivi le parcours de Yehiel (Yehieh à l’époque) depuis son séjour d’enfant abandonné dans un home aux Etats-Unis. Yehiel avait sept ans quand son père mourut au Yémen, laissant sa veuve Laouda et six enfants.
Les Hassidim de Satmar promirent à Laouda que ses enfants bénéficieraient d’une bonne éducation et les ont emmenés en Amérique. Là il fut séparé de ses deux frères et de sa sœur, arrivés en même temps que lui. On l’obligea à parler yiddish et à renoncer à ses racines yéménites.
Sa révolte lui valut coups et humiliations. Il s’enfuit. Je l’ai trouvé un jour errant dans les rues de New York. Il avait 14 ans lorsque je l’ai emmené en Israël. De l’adolescent malheureux et abandonné qu’il était, il est devenu un Israélien fier et un soldat exemplaire qui soulève l’admiration de ses amis et de ses commandants. »
Lundi dernier, Grafi a accompagné Laouda en Israël via la Jordanie. Elle passera un mois en Israël avant de retourner au Yémen. Elle nous a confié qu’elle n’immigrerait en Israël que lorsqu’elle pourra récupérer ses deux filles qui ont été forcées à épouser des Yéménites et à se convertir à l’islam. « Nous espérons parvenir à lui faire rencontrer ses deux fils qui vivent toujours aux États-Unis et peut-être parviendrons-nous à faire venir ses deux filles du Yémen et à réunir toute la famille en Israël, » ajoute Bushari.
Hier, à la fin de la cérémonie, Laouda, son fils Yehiel, sa fille Tsana et son gendre Tsahi se sont assis, comme toutes les autres familles de soldats, sur l’herbe et ont dégusté un repas yéménite typique avec kubana, jahnoun, et tout plein de zhoug. Les yeux de Yehiel étaient luisants de joie – enfin, il n’était plus seul. « Il ne s’est pas passé un moment sans que je pense à ma mère. Lorsque je l’ai vue descendre les marches du podium et se diriger vers moi, j’ai été stupéfait. Je n’en croyais pas mes yeux, mon rêve était devenu réalité. C’était ma mère, la mère que je revoyais dans mes rêves. Elle n’a pas changé. Elle s’est approchée, et au moment où elle m’a enlacé et embrassé, je n’y tenais plus, je me suis mis à pleurer. Un soldat ne pleure pas, mais elle m’avait tellement manqué, et j’étais si heureux de la voir, je n’ai pas pu me retenir. »
Le petit garçon de l’affiche
En 1992, Arik Haddad, ancien maire de Kiriat Ekron et actuellement conseiller du ministre Benyamin Ben Eliezer, s’était rendu au Yémen, sur les traces des derniers Juifs de ce pays. Au cours de son séjour, il rencontra la famille Nahari et pris le petit Yehieh-Yehiel en photo. Cette photo figura sur une affiche distribuée par l’Agence juive dans le monde où figurait en légende : « Don’t forget me – Yemenite Jews for Israël (« Ne m’oubliez pas – Les Juifs yéménites pour Israël »).