Quelques mots sur David Rubbin, a l'occasion des 30 jours de sa
mort (David fut assassine avec son ami Ahikam alors qu'ils se promenaient pres de chez eux avec leur amie Naama qui, elle, a survecu)
- En fin de Première, David avait déjà tenu à passer les premières épreuves pour se faire accepter dans l'unité d'élite des commandos de l'armée de mer, la fameuse "shayétète". Bien sûr, il fut tout de suite accepté, mais à l'obtention de son bac, il n'avait toujours pas décidé si c'est là-bas qu'il voulait passer les prochaines années.
Après deux ans de yeshiva à Mitzpé Ramon, dans ce désert qu'il aimait tant, il revint à la maison et me dit: "ça sera ou la shayétète ou 10 ans de yéshiva dans la prestigieuse école talmudique de Har Hamor."
A ce stade du récit, le Rav Motty Elon ne put s'empêcher d'interrompre Michel.
- Comment ça! Il hésitait entre la yéchiva et les commandos? Mais ça n'a rien a voir!
- C'est aussi la question que je lui ai posée, reprit le père. Il m'a répondu: "- Non papa, c'est exactement pareil. Ca c'est de la Thora et ça aussi c'est de la Thora…."
Michel marqua un temps d'arrêt, se souvenant sans doute du jour où David lui annonça qu'il allait prendre sa décision dans les jours qui suivent.
- Il prit un sac à dos. On était dimanche matin. Puis, il nous quitta en disant qu'il allait faire un tour, seul, dans le désert de Judée. Il revint jeudi matin souriant et nous annonça sûr de lui: "J'ai décidé, ça sera le commando!"
Devant nos visages surpris, Michel crut devoir s'expliquer:
- Vous savez, il était très sociable et je ne lui connaissais pas d'ennemis, mais, les grandes décisions, il les prenait tout seul. D'ailleurs, plus tard, dans un de ces rares moments où il me fit partager un petit peu de son expérience militaire, il me confia que les dix minutes de plongée sous-marine où, pour tester l'endurance, les jeunes soldats étaient tenus de rester dix longues minutes sous l'eau dans l'obscurité la plus totale, exercice fort éprouvant pour tous, étaient pour lui dix minutes d'intense plaisir. "Tu comprends, m'a-t-il dit, ce sont dix minutes de solitude absolue que personne ne vient troubler. Je peux alors me concentrer sur telle ou telle parole de Thora."
Je pris le temps de regarder autour de moi, outre Michel assis par terre avec son vêtement déchiré et ses enfants, le petit salon était plein de Rabbanim, d'officiers supérieurs et de jeunes de l'âge de David, copains de classe, camarades d'étude à la yéshiva ou membres du commando, venus témoigner de leur douleur et de leur affection. Parmi les rabbins, l'un était celui qui avait enseigné le Talmud à David à Mitzpé Ramon. C'est vers lui que Michel se tourna.
- Tu savais que David venait de Kyriat Arba à Mitzpé Ramon en moto?
- Impossible. On s'en serait rendu compte.
- Non, parce qu'il s'arrangeait pour arriver aux petites heures de la matinée, pour enfermer son engin dans le garage d'un copain qui habitait l'endroit, avant de regagner la yéshiva à pied. "Tu comprends, m'avait-il expliqué un jour, à la yéshiva, il faut que je sois un exemple irréprochable pour tous. Or, la moto, ne me semble pas cadrer avec l'esprit de l'endroit."
- Il te parlait des difficultés rencontrées à l'armée? s'inquiéta le Rav Elon.
- Pas beaucoup. De toute façon, rien ne lui semblait bien difficile à supporter. Sa force et sa volonté lui venaient entièrement de la Thora. Depuis le début il savait qu'en aucun cas les conditions extrêmement difficiles imposées aux soldats de la shayétète ne le feraient transiger sur ses principes. Il ne me racontait pas beaucoup mais, il y a deux jours, un de ses officiers supérieurs est venu nous rendre visite. Il m'a avoué qu'il a faillit virer David dès le premier jour où il l'aperçut à la base. "Je lui avait demandé pourquoi il était venu ici et il m'avait répondu: "Pour la gloire de la Thora", j'avais noté sur mon calepin 'garçon à renvoyer dans les 24 heures: il prend la shayétète pour une synagogue' Finalement je dois reconnaître qu'il était le meilleur d'entre nous. Il ne semblait jamais éprouver la moindre fatigue, le moindre doute. Jamais de cafard, toujours prêt à remonter le moral des autres".
C'est que le jeune homme, qui n'avait peur de rien ni de personne, avait dès le départ annoncé la couleur aux autres soldats kipotés de l'unité: "nous sommes ici comme les autres, pour servir le peuple et le pays du mieux que nous le pouvons, mais nous avons aussi une mission supplémentaire: montrer à tout le monde qu'il est possible de faire partie de la fameuse shayétète sans renoncer en rien à nos principes thoraniques.
L'avant-veille de ma venue chez les Rubbin, l'un des membres de commando vint rendre visite à la famille:
- Il faut que je vous dise que David m'avait fortement influencé. Comme vous le voyez, je ne suis pas religieux, je n'en n'ai même pas le look. Mais tous les matins, je ne pouvais détourner mon regard de ce garçon imposant par sa personnalité qui mettait ses tefilins et s'enroulait de son talith face à la mer, dès que le soleil se levait. Au bout de quelques jours, je lui ai confié que j'avais, moi aussi, envie de les mettre, sans pouvoir m'expliquer pourquoi. A ma grande surprise, il refusa de m'apprendre à les mettre "avant que je n'en comprenne le sens". Tous les matins, donc, après sa téfila, il m'enseignait les subtilités de ces fameux phylactères. Lorsqu'il m'annonça que j'étais enfin prêt, je dois dire que cela m'avait beaucoup ému. "Lorsqu'on reviendra de week-end, tu mettras les tefillins avec moi" m'a-t-il dit avant de partir. Malheureusement, il fut assassiné vendredi…
C'est à ce moment là que la mère de David entra au salon avec un sac de tefilines dans les mains et, en le tendant à ce soldat, elle lui dit: "Ce sont ceux de David. Je te les donne. Je suis sûre que c'est ce qu'il aurait souhaité."
Depuis l'assassinat de David et de Akhikam, chaque vendredi, des dizaines de leurs amis se promènent à l'endroit même où ils furent assassinés, affirmant par là le droit élémentaire des Juifs à parcourir les sentiers d'Eretz Israël.
David, Akhikam et leurs amis sont les seuls et véritables obstacles aux plans d'anéantissement projetés par nos voisins.