Chacun devra tôt ou tard dans toute cette sale guerre, faire le bilan de ses gestes. Y compris chacun de nous.
Je désire ici donner le témoignage d'un palestinien qui fut trop coincé entre les extrémistes palestiniens , ce Monsieur Arafat, les américains et nous.
Je donnerai , si les modérateurs le permettent , Un large extrait de cet interview. Car il nous interpele tous pro-palestiniens et pro-israelliens.
Le quotidien jordanien Al-Rai a le 27 septembre dernier publié cet interview de l'ancien Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen).
«Nous devons mettre de l'ordre chez nous»
Question: «Pourquoi n'avez-vous pas conclu les négociations avant [l'élection de Netanyahou], alors qu'il était notoire que Netanyahou avait une chance raisonnable de gagner?»
Abbas: «[…] Oslo n'a pas progressé en raison des actions des divers gouvernements israéliens; puis il y eut Camp David et survint l' Intifada. La visite de Sharon [sur le Mont du Temple] fut un mauvais début à la suite duquel l' Intifada a été déclenchée, et la poursuite [de l' Intifada ] fut la pire des choses. Je pense aujourd'hui que l' Intifada dans sa totalité était une erreur et qu'elle n'aurait pas du perdurer, et en particulier ce qu'on a qualifié demilitarisation de l' Intifada » […]».
Question: «Les négociations n'ayant donné aucun résultat, pourquoi pensez-vous que l' Intifada était la plusmauvaise option?
Abbas: «Si nous devions faire le bilan de la situation à laquelle nous aurions abouti après quatre ans d' Intifada, [nous nous rendrions compte] qu'il existait trois opinions: La première était qu'après le meurtre de 1000 Israéliens au cours de l' Intifada, Israël s'effondrerait, tout comme Sharon; la deuxième était que l' Intifada armée allait libérer la mère patrie; la troisième opinion était que l' Intifada mettrait un terme à la colonisation. Un examen [ de la question] montre que Sharon n'est pas tombé. Au contraire, il est devenu le [leader le] plus populaire de l'histoire d'Israël, après avoir fait l'objet de condamnations en Israël. De même, toutes les terres palestiniennes sont aujourd'hui occupées et en danger, et les colonies ont presque doublé. Nous avons détérioré nos relations avec les Américains et avec l'opinion publique israélienne; la dernière déclaration du Quartet est une illustration supplémentaire de ce qu'il est advenu de nous».
Question: «Vous avez fait allusion à une quatrième opinion à propos de l' Intifada – quelle est-elle?»
Abbas: «La quatrième opinion dit: mettez un terme à la militarisation de l' Intifada. Nous devons remplir nos obligations telles qu'elles ont été détaillées dans la Feuille de route et dans la Loi fondamentale, et nous devons convaincre le monde que nous avons rempli nos obligations et que Sharon doit remplir les siennes. Dans la mesure où aujourd'hui le monde entier nous condamne au lieu de condamner Sharon.»
Question: «Que doit faire la partie palestinienne afin de se sortir de cette situation?»
Abbas: «Nous devons mettre de l'ordre chez nous. C'est la première condition. Cela n'a pas encore été fait et la quatrième voix est restée faible et n'a pas été entendue»
Si Israël a liquidé le Fonds des propriétaires absents «alors les décisions d'Hitler étaient justifiées»
Question: «Qui est à blâmer pour l'échec de Camp David, et Yasser Arafat partage-t-il une part de responsabilité?»
Abbas: «La vérité est que tout au long des 16 jours de Camp David, il n'y a jamais rien eu de tel qu'un «plan Clinton», mais [seulement] des idées. Durant les deux dernières journées à Camp David, seuls trois thèmes furent abordés: les frontières, les réfugiés et Jérusalem.
La première erreur consista à organiser Camp David sans préparation […]. De plus, pas une seule rencontre n'ont eu lieu entre Arafat et Barak. Cela s'est résumé à Clinton venant nous voir puis eux, pour échanger quelques idées […].
Concernant les frontières, Clinton suggéra cette solution: 80% de la Cisjordanie pour vous [i.e. pour les Palestiniens] et le reste pour les Israéliens, duquel 8% resteront [sous contrôle israélien] et une concession de 20 ans pour les terres restantes, sur une partie desquelles existeraient des postes militaires. Nous avons commencé à discuter de la question: «Pour quelle raison [devons-nous] perdre 20%?» Apres un long débat, Clinton proposa 92%. Nous avons refusé cette offre et leur avons dit que notre position était que nous étions enclins à accepter les frontières de 67 avec quelques modifications réciproques mineures. Clinton revint nous voir et nous dit que la proposition était de 92% et un autre 1% supplémentaire dans le cadre d'un échange de territoires. Nous avons de nouveau refusé. Nous ne devons pas accepter [une telle proposition], pas aujourd'hui ni dans l'avenir […].
Puis nous en sommes venus à la question des réfugiés. Les Israéliens ont formulé l'idée suivante: «150 000 réfugiés sont partis, dont 100 000 sont morts, et nous envisageons de permettre aux 50 000 restants de revenir». Nous avons tenté de les convaincre que le nombre de ceux étant partis s'élevait à 950 000, et nous sommes parvenus à [un accord sur] 600 000-700 000. Les Israéliens prétendaient que les juifs des pays arabes étaient venus a leur place [i.e. a la place des réfugiés palestiniens] « alors c'est un pour un et nous voulons 40 millions de dollars d'indemnités, dont la moitié sera pour vous, les Palestiniens, et dont l'autre moitié sera pour Israël». Nous leur avons apporté des preuves et des documents établissant que les juifs avaient repris leurs biens avant de quitter les pays arabes et qu' en tant que négociateur palestinien, je n'étais concerné par aucun pays arabe duquel les juifs ont émigré et que ce n'était pas ma responsabilité.
Nous étions parvenus à convaincre Clinton que des Palestiniens avaient le droit au retour et que c'était un droit qu'ils pouvaient choisir d'exercer, à l'instar du droit à l'indemnisation. Nous leur avons expliqué tous les détails et leur avons proposé de débuter avec [les réfugiés au] Liban. De plus, nous avons interrogé Elyakim Rubinstein [le ministre de la Justice d'alors] à propos du Fonds des propriétaires absents et il reconnut qu'Israël «l'avait liquidé» par une décision du gouvernement. Je lui ai dit: «si c'est le cas, alors les décisions d'Hitler étaient justifiées.» Cela vous donne une idée sur la nature du raisonnement et du dialogue qui avait cours avec les négociateurs israéliens à Camp David […]».
Question: «[Je vous le demande] une nouvelle fois, qui est responsable pour l'échec [du sommet de Camp David]?»
Abbas: «Clinton nous a dit à Abou Ammar [Yasser Arafat] et moi qu'il projetait de diffuser un communiqué [à ce sujet], mais il nous avait promis de ne pas faire porter la responsabilité de l'échec de camp David sur quelqu'un en particulier. Puis il partit et cita Arafat [ comme responsable de cet échec]. Quoi qu'il en soit, la vérité est que Yasser Arafat était plus flexible que je ne l'étais à Camp David, mais aucune proposition sérieuse n'a été faite […]».
Oslo a constitué la plus grande réussite des Palestiniens – «C'est ce qui a rendu Yasser Arafat président»
Question: «Est-ce qu'Oslo était une erreur?»
Abbas: «Non. Après tout, je suis «le père d'Oslo». Si Rabin était encore en vie, il aurait peut être fait ce qu'aucun autre avant lui ou après lui n'a été capable de faire. Cela tient au fait qu'il était prêt à prendre des mesures, qu'il appelait «mesures douloureuses», pour arriver à la paix […]».
Question: «Pensez-vous qu'Oslo fut la plus grande réussite des Palestiniens?»
Abbas: «Sans nul doute. C'est ce qui a rendu Yasser Arafat président».
Les trois causes principales de la chute de mon gouvernement
Question: «Certaines personnes prétendent que l'Amérique et Israël ont tiré profit de votre démission pour justifier l'agression israélienne contre le peuple palestinien, en alléguant que le Président Arafat avait fait tombé votre gouvernement».
Abbas: «Disons qu'il y eurent trois causes principales à la chute de mon gouvernement: la première était qu'Israël n'a fait aucune concession, [la deuxième est que] les Américains ont traîné les pieds et [la troisième est que] les Palestiniens m'ont attaqué. S'il n'y avait eu aucun problème dans nos rangs [ nous aurions pu dire] que le problème provenait seulement de la partie israélienne. Nous sommes parvenus à obtenir 52 jours de calme complet dans les territoires palestiniens et le 53ème jour, il y eut un attentat en août à Jérusalem. Non seulement ça,mais [les Palestiniens] l'ont revendiqué et la trêve [hudna] a pris fin […]».
Question: «Si Israël a fait échouer [les négociations] et que les Américains ont traîné des pieds, comment les choses se sont-elles détériorées au point que les Palestiniens aient participé à la chute de votre gouvernement?»
Abbas: «Je vais vous donner un exemple. Avant que je me rende au Sommet d'Akaba, la Feuille de route avait été établie. J'avais accepté les obligations qui nous avaient été imposées et dans le même temps les Américains ont exigé que je «n'oublie pas» de mentionner dans mon discours au Sommet d'Akaba qu'«Israël est un Etat juif». Je pensais que ce n'était pas mon rôle [de dire cela] et c'est ce que je leur ai dit.
Puis j'ai prononcémon célèbre discours à Akaba qui provoqua des réactions assez irrationnelles d'outrage et de colère, accompagnées d'une foule de questions: Pourquoi avez-vous parlé de la souffrance des juifs? Je leur ai alors répondu que j'avais aussi parlé de la souffrance des Palestiniens. Pourquoi n'avez-vous pas mentionné les réfugiés? Je leur ai dit que j'avais mentionné les questions du statut final, qui sont au nombre de six et dont une d'entre elles est la question des réfugiés, sans avoir mentionné cette question [explicitement] dans un discours de 15 minutes. Les critiques étaient faites seulement pour critiquer et la condamnation seulement pour condamner. Chaque action fut accueillie par une réaction opposée. Voilà pour le niveau politique.
Au niveau interne [palestinien], nous avons entamé les reformes intérieures jusqu'au 4 septembre où je suis venu [au Conseil législatif] et qu'ils m'ont accueilli avec une manifestation armée à l'entrée du Conseil et toutes les fenêtres furent brisées […]. J'ai présenté ma démission et je ne sais pas comment Israël et l'Amérique ont tiré profit de cette situation […].
Certains disent que [le Premier ministre actuel Ahmad Qorei, alias] Abou Alaa a échoué. Je pense qu'il n'a pas échoué dans la mesure où il n'a rien fait et n'a pas exercé son autorité. Il y a également ceux qui décrivent le ministre de l'Intérieur, Hakam Bal'awi, comme étant faible. Je pose la question: a-t-il essayé [ de faire quoique ce soit]? Jusqu'à présent, le gouvernement d'Abou Alaa n'a pas tenté d'agir, de même qu'il n'en a pas eu l'opportunité. Lorsqu'ils feront quelque chose, alors nous les jugerons […]».
Question: «Pouvez-vous nous dire pourquoi le Président Arafat tient tant à ne pas céder de pouvoirs au Premier ministre et pourquoi ne permet-il pas aux Palestiniens de mettre de l'ordre chez eux?»
Abbas: «Je ne sais pas. Il pense probablement que s'ils devaient lui retirer ses pouvoirs, ils se débarrasseraient alors de lui».
Question: «Pourquoi Abou Ammar refuse-t-il de vous accorder des pouvoirs ainsi qu'aux autres ministres en dépit des exigences arabes et internationales?»
Abbas: «Je ne la sais point. Lorsque nos affaires intérieures seront réglées, Abou Ammar sera à la Maison Blanche».
Question: «Vous insistez en permanence sur le fait que satisfaire cette exigence internationale [de reforme intérieure] relancera la situation [au sein de l'Autorité Palestinienne], des lors pourquoi Arafat refuse-t-il obstinément?»
Abbas: « Si cela se produisait et qu'il y avait un réexamen de la façon de réguler les questions de sécurité et qu'il y avait des élections, je vous affirme qu'Abou Ammar visiterait alors la Maison Blanche dans les 5 mois».
Question: «Sur quoi mise l'Autorité Palestinienne?
Abbas: «Probablement sur le résultat des élections américaines, mais je vous affirme que ce pari est une perte de temps, car en ce qui nous concerne, Bush et Kerry sont les mêmes».
--------------------------------------------------------------------------------