LA REECRITURE DE L’HISTOIRE PAR L’AUTORITE PALESTINIENNE
La question de la réécriture de l'histoire par l'Autorité palestinienne mérite une analyse approfondie, car ce phénomène ne relève pas seulement d'une propagande pernicieuse, mais trahit des pulsions très primitives, des mouvements d'envie, tout en contredisant d'une façon inhabituelle tous les processus de formation historique de l'identité des peuples.
I. La formation d'une identité palestinienne ?
Les exemples historiques de processus de formation d'identité nationale
Les exemples historiques de formation d'une identité nationale sont nombreux, et font partie des thèmes d'étude classiques des historiens des mentalités. Les identités nationales ont commencé à se former en Europe au cours du XVIe siècle, centrées autour de la personne d'un roi, ancrées dans un territoire précis, et revendiquant leur identité par l'histoire de leur origine. Ainsi, c'est au XVIe siècle que les Français imaginent leur origine mythique d'ancêtres gaulois, et on a bien oublié aujourd'hui que ce mythe avait pour intention première de permettre de relier la lignée des rois de France aux "hébrieux", (Hébreux), afin de faire remonter la sainteté de leur dynastie à la lignée du roi David (voir Claude Gilbert-Dubois, "Le mythe des Gaulois ou l'origine d'un thème religieux et nationaliste"). Pour les Français, les Gaulois permettaient de se construire un passé glorieux, sans avoir à faire dépendre la légitimité des rois de France d'une autre lignée royale européene. Les Italiens revendiquèrent leur identité à la Renaissance sous plusieurs étendarts, puisque le territoire de l'Italie était alors divisé en plusieurs royaumes, mais leurs arguments ne manquaient point, que ce soit par l'héritage sacré que leur donnait la fondation de l'Eglise en Italie, à Rome, ou le passé romain de leur pays, avec la domination de Rome sur ce qui avait été l'Empire romain et qui avait donné naissance à l'Europe qui les entourait. Pour les Anglais, l'identité anglaise se donna pour ancêtre Brutus de Troyes, fondateur mythique de l'Angleterre débarqué de la Troyes greque et glorieuse, importateur de la culture dans une Europe encore sauvage.
Mais chaque pays s'efforça de démontrer que son histoire était la plus glorieuse, et que son leader du moment, son roi, était le plus saint, le plus aimé de Dieu, le plus proche de la lignée sacrée des rois biblique, alors que l'histoire et la pérennité de son règne comme de son royaume témoignait de la légitimité de chaque royaume, et donc de chaque peuple, de chaque identité.
Au XIXe et au XXe siècle, les dernières identités nationales nées des réunifications territoriales ou des décolonisations ont suivi un processus à peu près semblable, à ce détail près que les nations se créérent de plus en plus dans la violence contre un ennemi extérieur. Alors que le sentiment national français s'était fondé au XVIe siècle sur la fidèlité à la personne du roi, et que les affrontements avaient surtout mis face à face des prétendants du trône, chacun avec leurs fidèles suivants, les nationalismes du XIXe siècle se libèrent de la tutelle royale par des révolutions, en aboutissant ainsi à une nouvelle définition du sentiment national par le patriotisme, la fidèlité à une identité nationale sublimée. Puis viennent les nationalismes de pays auparavant scindés, comme l'Allemagne, ou bien l'Italie, qui consituent leur identité sur la lutte contre un ennemi commun. Garibaldi est un leader, un modèle du héro de la nation italienne libre, car il prétend délivrer l'Italie. Bismark est un chef de guerre, et fonde la nation allemande et son identité sur une opposition à la France. Mais par opposition à un modèle considéré comme tyrannique ou usurpateur, ces groupes humains élaborent une identité idéale qui les représente, et les distingue des usurpateurs. Nulle tentation pour eux de copier leur ennemi. Le cas de l'identité nationale palestinienne est donc un cas unique, pour ne pas dire anomalique de la formation des identités nationales.
2. Une identité copiée
L'identité palestinienne se fonde en effet sur une copie conforme, à peine associée à une vague transposition, de l'histoire et du modèle hébraïque et juif. Ceci est absolument inexplicable par le simple biais historique, et a priori, on ne peut pas en conclure qu'il s'agisse là d'une prise de modèle ordinaire, comme d'un exemple à suivre, laissant présager un avenir d'unification culturelle entre Juifs et Arabes.
Considérons quelques exemples avant de procéder à leur analyse. Lorsque l'O.L.P. à Beyrout est acculé à la défaite, Yasser Arafat envoya comme ordre à ses troupes de se suicider et de procéder à un nouveau "Massada". Ses troupes ne se suicidèrent pas, en définitive, mais le fait même que Arafat ait eu l'étrange idée de leur donner comme modèle l'histoire de leur ennemi laisse rêveur.
A nouveau, lors de la première intifadah, Arafat lance l'idée de faire partir d'Europe un bateau de réfugiés et de le nommer Exodus II.
Enfin les textes palestiniens ne manquent pas de rapprocher la situation des Palestiniens de celle des Juifs sous l'occupation nazie, procèdant ainsi à la fois à la reprise d'un modèle historique de l'histoire de leur ennemi, et à un retournement identitaire.
Ce dernier exemple dévoile le mouvement fondateur de ce processus psychique, car c'est ici la psychologie qui seule peut nous aider à comprendre un phénomène qui ne relève plus des structures classiques de l'évolution de l'histoire des mentalités.
Les Palestiniens fondent leur modèle identitaire sur celui des Israëliens parce que fondamentalement, leur identité s'ancre dans un mouvement d'envie, une pulsion très primitive que tous les discours du monde ne parviennent pas à cacher. Freud, dans "Totem et Tabou", analyse cette pulsion et montre qu'elle explique l'attitude des peuples qui dévorent une partie de leur ennemi après l'avoir tué, parcequ'ils pensent pouvoir intégrer ainsi dans leur propre corps les qualités qu'ils ont observé avec envie chez celui-ci. Cette pulsion est d'autant plus forte qu'elle est inconsciente, voire même réprimée chez les Palestiniens, qui n'admettraient pour rien au monde qu'une partie d'eux mêmes admire en secret l'identité israëlienne. Ce mouvement psychique primitif explique non seulement des scènes d'une brutalité inqualifiable qui ont eu lieu lors de cette seconde intifadah, mais permet de comprendre les formes que revêt actuellement la politique palestinienne, la propagande de Yasser Arafat, et le danger à court et long terme d'une identité nationale qui n'a pas trouvé de forme positive d'expression.
3. Vandalisme, canibalisme, et identité
L'identité palestinienne s'étant fondée sur l'identité juive, non par fascination de l'Israëlien comme Autre à respecter, mais comme identité à endosser pour exister en tant que peuple, le passage-à-l'acte fondateur de l'identité palestinienne s'exprime nécessairement par la violence, la tuerie, la destruction, l'anéantissement de l'Israëlien. C'est là la différence essentielle entre les deux parties qui opposent depuis septembre forces israëliennes et Palestiniens. Pour les soldats israëliens, la question est claire: il s'agit de se défendre pour survivre et pour que l'état survive. pour les Palestiniens, la question est beaucoup plus complexe et beaucoup plus inextricable: il s'agit de détruire pour exister.
Le passage-à-l'acte, très souvent mis en scène par les foules, eut lieu de façon explosive, sanglante, lors du lynchage des deux soldats. Il ne suffisait pas de tuer. Il fallait réduire l'Autre en bouillie pour devenir Lui. Les cadavres sont déchiquetés, l'un d'entre eux a la boite crânienne ouverte, le cerveau est sorti. On dépèce les corps, on les parcellise.
L'éducation palestinienne enseigne des chants cannibales aux enfants selon la même logique. Un journaliste crie d'effroi dans son éditorial, devant ces chants de guerre: "je tuerai le Juif, je lui ouvrirai le ventre, et je le mangerai..." Toute l'analyse de Freud resurgit dans ces quelques mots. L'identité palestinienne se fonde tragiquement sur un mouvement d'envie qui la condamne, pour se réaliser, à réaliser l'usurpation identitaire. Prendre la Place de l'Autre pour exister...
Pauvre peuple sans identité, pauvre enfant manipulé, triste persective d'une humanité detructrice, mais aussi quel avenir pour Israël que de traiter avec un pareil ennemi...
4. L'usurpation textuelle coranique comme modèle fondateur?
Peut-on interpréter cette formation identitaire comme un processus inévitable? L'identité palestinienne était-elle prédestinée à fonder son existence sur l'usurpation identitaire de l'Israëlien?
Certains voient dans le Coran l'origine de ces renversements identitaires. Pour être plus précis, il s'agit des commentaires du Coran, et non du Coran lui-même. Le Coran, lors de l'épisode de la ligature d'Ytshak, ne nomme pas le fils d'Abraham prêt au sacrifice. Ce sont les commentaires qui l'ont identifié, non comme Ytzhak, mais comme Ishmaël (Sourat: "Les rangs"):
"Donne moi un fils o seigneur, et qu'il soit un homme juste." Nous lui avons annoncé un bon garçon. Et quand il a atteint l'âge où il pouvait travailler avec lui, son père lui dit: "Mon fils, j'ai rêvé que je te sacrifiais. Dis-mois ce que tu penses."
Il répondit: "Père, fais ce qui t'a été demandé. Si Allah le veut, tu verras que je suis fidèle." Et ils s'en remirent tous deux à la volonté de Dieu, et Abraham avait étendu son fils prosterné sur sa face, Nous l'appelâmes en lui disant: "Abraham, tu as accompli ta vision."[...]
Les commentateurs traditionnels coraniques ont attribué l'épisode à Ishmael. Or l'antériorité historique du texte biblique est indéniable. Ainsi, selon l'analyse de certains théologiens, cette interprétation du Coran aurait été la première pierre fondatrice de ce renversement identitaire, en suggérant que le vrai Israël est en fait Ishmaël. Puis c'est sur la base de ce renversement identitaire originellement de type religieux que se serait fondée l'inversion identitaire palestinienne.
A priori on peut penser que, si cette théorie est vraie, aucun pays arabe n'aurait dû pouvoir créer son modèle identitaire sans lui donner cette forme usurpatrice.
Néanmoins deux points sont importants: l'histoire a opposé la plupart des pays arabes à un ennemi extérieur chrétien, lui fournissant ainsi un contre-modèle historique qui rendait inutile ou caduque le modèle de l'interprétation coranique (sur ce point seulement, car le Coran a pû fournir des passages et des commentaires concernant les Chrétiens qui ont donné un autre sens à ces luttes opposant Arabes et Chrétiens).
D'autre part le cas d'Israël est un cas unique, car c'est le seul pays où un peuple arabe et musulman s'est affronté à un ennemi juif. On peut donc considérer que cet affrontement historique a rejoué dans l'espace et le temps moderne l'ursurpation identitaire observée dans l'interprétation du Coran, en conférant au processus de l'usurpation identitaire des Palestiniens une dimension religieuse supplémentaire.
Cependant, cela ne signifie pas que cette voie de formation identitaire était la seule possible. L'Histoire n'est pas une voie tracée et préconçue. Les Palestiniens auraient pû créer leurs propres mythes des origines, ils auraient pû rassembler leur identité autour de leurs danses, de leur coutumes, de leur nourriture. C'est à ce point que la responsabilité de leurs leaders est lourde, elle qui a influé sur la forme de cette identité par la propagande, par les revendications, et par l'éducation des enfants.
5. Les Revendications territoriales et la réécriture de l'histoire
On ne comprend rien à l'absence évidente de limite de l'appétit palestinien pour toujours plus de nouvelles terres, de nouvelles concessions, si on n'analyse pas cet appétit vorace en parallèle avec la réécriture de l'histoire par les médias palestiniens et le problème identitaire que nous avons décrit. Répétons le:
L'identité palestinienne se fonde tragiquement sur un mouvement d'envie qui la condamne, pour se réaliser, à réaliser l'usurpation identitaire mais aussi historique, et territoriale.
On assiste ainsi à des événements aussi halucinants qu'une carte de Palestine effaçant jusqu'au nom d'Israël. Les choses sont alors clairement exprimées: si la Palestine existe, Israël doit disparaître. Mais la réécriture de l'histoire procède absolument de la même logique. Le site de l'Autorité Palestinienne prend beaucoup de soin à réécrire toute l'histoire du Mont du Temple, et de lui substituer une histoire qui serait celle d'une mosquée ayant existé depuis des siècles, bien avant Salomon le Magnifique, bien avant Israël, et peut être même bien avant l'Islam. Les Juifs se sont trompés, entend-on répéter dans les médias palestiniens. Le Mont du Temple n'a jamais été le Mont du Temple. Et puis, les Juifs n'ont jamais sû où était leur temple. Et puis d'ailleurs, les Juifs n'ont jamais été en Israël. Le passé hébraïque est une propagande sioniste...
Pourquoi tous ces efforts de la propagande, que ne commente jamais la presse européene? Tout simplement parce qu'il est vital, à ce stade de l'histoire de la formation identitaire palestinienne, de procéder à la destruction symbolique de l'Israëlien, de l'effacer de la carte comme de l'histoire, pour pouvoir prendre sa place.
Cette situation est donc beaucoup plus préoccupante que des problèmes de négociations, ou même les faits bruts que nous décrivent les journeaux. Ce ne sont pas les revendications palestiniennes qui seront le problème le plus grave que devra traiter Israël à l'avenir, mais la cause de ces revendications, son origine, sa source, c'est-à-dire la forme destructrice d'une identité nationale qui ne pourra, fondamentalement, accepter aucune concession donnant un droit d'existence à Israël sans renoncer à sa propre existence.