Zach Sabella
Ca me brise le coeur de me rendre en voiture tous les jours à Bethléem et de voir un nouveau bloc ajouté au mur, dit de sécurité, israélien.
Centimètre par centimètre, la largeur du mur bloque la rue principale qui mène au cœur de la ville sainte de Bethléem, lieu de naissance de Jésus Christ. Quand mon regard se porte jusqu’aux collines de Bethléem et aux villes avoisinantes, il est là, avec ses 8 mètres de haut qui me regardent, tandis que je repasse dans ma mémoire les années passées du conflit et que mes pensées se précipitent : comment Bethléem, le berceau du Christianisme en est-elle arrivée à devenir une grande prison surpeuplée ?
« Un mur ? » je m’interroge. « C’est cela la solution au conflit israélo-palestinien ? » Tous les matins j’ai les larmes aux yeux quand je vois l’ombre que le mur impose aux vertes collines de Bethléem. La colère me monte au coeur tandis que je me sens impuissant et sans force. A qui en appeler ? Auprès de qui protester ? C’est ça la paix et la justice ? Ces questions deviennent un défi à ma logique tandis que je n’arrive pas à me convaincre par de fausses réponses. Je lève les yeux vers le ciel plein de nuages et je m’adresse à Dieu dans mes larmes : « Depuis combien de temps ? Pendant combien de temps encore ? Es tu vraiment là-haut ? » Je me rappelle le mot « paix » en secouant la tête dans ma détresse. Un mot qui résonne depuis mon enfance dans ma tête, que l’on bourrait de propagande politique des deux côtés du conflit. Plus rien ne paraît logique maintenant.
Alors que la voiture s’enfonce dans Bethléem, je me retrouve dans une société qui se bat pour survivre dans une ville close, isolée du reste du monde. Ce doit être l’une des grandes villes du futur état palestinien, entourée d’un mur de ciment qui limitera les mouvements de ses habitants, ses échanges économiques et ses liens avec le monde extérieur. Tandis que je déambule dans Bethléem j’observe attentivement les visages des gens dans les rues et je vois les marques de la frustration et je devine la volonté de survivre et d’avancer. Lentement, la détermination nationale d’établir un état palestinien viable et le combat pour redresser l’économie palestinienne sont mis en sommeil, alors que les Palestiniens sont témoins de l’encerclement de Bethléem par le mur. Lentement ils reconnaissent qu’ils sont seuls dans la lutte pour leur survie et que le fort surpasse le faible dans un monde empli de haine et d’injustice. Les rêves d’état et de liberté se heurtent aux préoccupations individuelles concernant le bien être économique, comme le fait de mettre du pain sur la table tous les soirs pour que les enfants mangent. Et je me demande encore : « Mon peuple, si avide de vivre libre et indépendant, mérite-t-il ceci ? »
Rien qu’en le regardant, je vous assure, si vous ne l’avez pas vu, que ce mur n’est pas un mur qui apportera la sécurité, ce n’est pas la solution au conflit en cours, ce n’est pas ainsi qu’on donnera leurs droits aux Palestiniens, celui de vivre libres et d’établir leur propre état. J’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi la communauté internationale et les pays du monde ne se dressent pas pour mettre fin à ceci, à une époque où les gens devraient tirer les leçons de l’histoire et non la reproduire. Les Israéliens, un peuple soumis par le régime nazi à une persécution abominable, devraient bien connaître la douleur et la souffrance infligées à leurs familles pendant de longues années d’oppression physique et mentale sous la forme des camps, de révélation publique de leur identité, d’isolement social, de massacres et autres méthodes utilisées pour les priver de leur droit d’exister. La vie quotidienne des Palestiniens n’est-elle pas leur reflet dans le miroir ? Parmi tous les peuples du monde on s’attendrait à que ce soient les Israéliens qui comprennent le type d’injustice infligé quotidiennement aux Palestiniens. Pourtant c’est au nom de leur sécurité, que les camps de réfugiés, les tueries quotidiennes et l’occupation militaire constante, la construction de murs et de barrières existent toujours.
Comment vais-je pouvoir conserver de l’optimisme et l’espoir de paix et de coexistence si tous les jours je rencontre ça en allant au travail ? Comment puis- je, moi Palestinien, qui ai vécu dans la société israélienne, défendre vraiment devant mes amis et ma famille l’idée de perspectives de paix quand tous les jours aux abord de Bethléem je suis confronté à de nouveaux blocs de ciment ? Quel type d’état la Palestine pourra-elle bien être ? Quelle sorte de paix le Moyen-Orient connaîtra-t-il ? Malheureusement, quand je cherche des réponses justes à ces questions, je n’en trouve pas. Inconsciemment je sais que je vis un mensonge et que la réalisation de mes rêves est encore retardée par les nouvelles mesures sécuritaires israéliennes telles que le mur.
Un sage a dit « Il n’y a pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin ». La paix en soi est intangible mais elle commence au coeur de chacun d’entre nous. On ne peut pas maintenir quelque chose d’intangible en érigeant des obstacles tangibles comme le fait Israël en construisant le mur. La paix ce n’est pas une promenade au parc, c’est quelque chose de difficile à réaliser, qui demande des sacrifices et des compromis. Elle n’est pas faite par des points de contrôle et des murs, ni par des punitions économiques ni par le contrôle de tout un peuple. Elle est faite par la bonne volonté et la détermination de soutenir non pas les Israéliens ou les Palestiniens, mais bien l’essence même qui nous lie, dont est fait l’esprit humain.
Je suis un Palestinien. Que l’histoire témoigne de la culture et de l’ héritage des miens, ni terroristes ni sauvages. Nous sommes un peuple merveilleux qui ne cherche rien d’autre que ce que possèdent les autres, la liberté et l’indépendance. Nous ne méritons pas de vivre dans une prison parce que nous rêvons, et, par Dieu, nous ne le ferons pas. Une aube d’espoir se lève sur Bethléem tous les matins quand je vois la ville riche d’un peuple qui dit clairement au monde : « Aucun mur n’arrêtera nos visions et nos rêves. Et il n’affaiblira pas notre volonté éternelle de construire notre pays de nos mains nues. Et il ne nous chassera pas de notre terre bien-aimée et de nos chères maisons. Il ne fera qu’alimenter notre appétit de vivre et renforcera notre unité en tant que peuple ».
Je vous quitte sur une citation de la Cour Internationale de Justice : « Israël ne peut pas se baser sur le droit d’auto-défense ou un état de nécessité pour empêcher que le mur soit injuste et illégal" .