Luc de Barochez
[22 juillet 2004]
Entre la France et Israël, le climat reste à l'orage. Les déclarations de l'ambassadeur israélien à l'ONU, Dan Gillerman, avant-hier, ont de nouveau fait chuter le baromètre. Le diplomate a accusé Paris d'avoir joué un rôle pivot dans l'adoption de la résolution de l'ONU qui condamne la construction par Israël du mur de séparation en Cisjordanie occupée. Selon lui, c'est la diplomatie française qui a mobilisé les autres pays européens pour voter en bloc en faveur du texte. «La France s'est comportée de façon particulièrement honteuse en oeuvrant pour ses amis palestiniens et en convaincant les autres pays européens d'adopter» la résolution, a déclaré le représentant israélien.
La France a salué hier l'adoption du texte. Elle s'est félicitée de l'unanimité européenne, qui n'est pas courante aux Nations unies à propos d'un dossier embarrassant pour Israël. Cependant, Paris a réaffirmé en même temps sa volonté d'apaisement après la tempête soulevée, en début de semaine, par les déclarations du premier ministre Ariel Sharon, appelant les Français de confession juive à émigrer «immédiatement» en Israël.
A Paris, on faisait valoir hier que la France n'avait pas été plus active que d'habitude dans les consultations sur la résolution de l'ONU. Membre permanent du Conseil de sécurité, et considérant un règlement israélo-palestinien comme prioritaire, la France ne reste jamais les bras croisés sur un dossier comme celui là. La recherche d'un consensus européen fait partie des axes de sa politique. L'intervention des pays de l'Union européenne a permis de rééquilibrer le texte onusien en introduisant une condamnation du terrorisme et un rappel des obligations israéliennes, mais aussi palestiniennes, définies par la «feuille de route» des médiateurs internationaux.
La question est maintenant de savoir comment la France et Israël peuvent sortir de la crise ouverte par les déclarations de Sharon. Y voyant une grave ingérence dans ses affaires intérieures et un déni de sa capacité à protéger ses citoyens de toutes religions, la France a exigé des «explications» d'Israël. Hier, elle les attendait toujours. Plus le temps passe, plus il semble clair qu'elles ne viendront pas, au moins sous la forme attendue. Israël se considère en effet directement concerné par les affaires des Juifs, où qu'ils soient. Le quotidien Maariv exprimait hier l'incompréhension d'une partie de l'opinion israélienne en stigmatisant «la réaction hystérique du gouvernement français aux déclarations de Sharon».
Paris a pris des mesures diplomatiques sérieuses en suspendant à l'obtention des «explications» réclamées le déplacement que le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, doit effectuer à la rentrée en Israël, ainsi que la visite d'Ariel Sharon à Paris, annoncée depuis des mois, mais pour laquelle aucune date n'a encore été fixée. D'autre part, un projet de visite en France du chef de la diplomatie israélienne, Silvan Shalom, est incertain. Selon la presse israélienne d'hier, Shalom aurait reporté son déplacement, envisagé pour la fin juillet, mais dont la date n'avait pas été annoncée.
Le contentieux entre Paris et Jérusalem dépasse de loin la question de l'émigration des Français juifs. La France reproche traditionnellement à l'Etat hébreu de vouloir l'écarter des efforts de règlement au Proche-Orient, où elle juge avoir des intérêts importants. Tout aussi traditionnellement, Israël accuse Paris d'adopter une attitude biaisée et pro-arabe dans le conflit. La visite que Michel Barnier a effectuée fin juin au président palestinien Yasser Arafat à Ramallah a profondément irrité les dirigeants israéliens. Les efforts entrepris ces dernières années pour restaurer les relations franco-israéliennes montrent aujourd'hui leurs limites.