Cher Monde …
Je t’écris car cela fait bien longtemps que je ne t’ai pas écouté. Serais-tu devenu muet ? Serais-tu devenu aveugle ? J’ose espérer que non. S’il te plait, Monde, j’ai su te pardonner tant de fois, alors écoute moi qui suit venu plaidoyer pour mon peuple. Et pourtant, c’est vraiment avec amertume que je viens à toi, je t’ai pardonné tant de fois, et j’ai naïvement cru que tu avais compris.
Je t’ai pardonné d’avoir fermé les yeux à l’époque ou les fouets Egyptiens marquaient notre corps. Je t’ai pardonné d’avoir fermé les yeux sur les Empires venus mettre en route notre exode forcé. Je t’ai pardonné d’avoir fermé les yeux lorsque nous brûlions vifs sous le soleil espagnol. Je t’ai pardonné d’avoir fermé les yeux devant tant de choses, que j’énumère, lassé, chaque fois que j’écris.
Je peux te le pardonner avec compréhension, le Monde d’autrefois n’étant pas le même que toi, Monde d’aujourd’hui, auquel je m’adresse.
La où j’ai eu plus de mal, je l’avoue, c’est quand j’ai du te pardonner d’avoir fermé les yeux sur les vies qui s’envolaient par des cheminées. D’autant plus que même les yeux fermés, tu aurais pu te servir de tes autres sens pour deviner …
Oh, bien heureusement, tu as fait ton mea culpa depuis. Tous les 10 ans, tous les 20 ans, tu regardes à la télévision des films sur les malheurs dont tu as été apathiquement spectateur. Tu allumes une bougie devant des officiels de mon peuple, tu leurs serres la main, devant quelques flash d’appareils photos qu’on oublierait presque …
J’ai cru qu’en changeant héroïquement la couleur de notre étoile, tu saurais nous épauler. Et pourtant, le Lion d’Israël, qui dort encore, avait bien raison : la guerre de 1948 n’est pas terminée. Elle dure encore avec toi, Monde.
La paix que nous avons signée il y a 60 ans n’est qu’hypocrisie. Si tu étais sincère, Monde, tu n’aurais jamais laissé un pays en cours d’acquisition de l’arme atomique, appelé la destruction du pays étoilé. Si tu étais sincère, Monde, tu n’aurais jamais laissé un mouvement haineux, appelant à la destruction du pays étoilé, lui aussi, rouge de ses crimes passés, ceinturé d’explosifs, s’introduire dans un semblant de démocratie, et s'en emparer. J’y croyais à la démocratie moderne moi.
Ah oui, tu as fait des déclarations dans lesquelles tu condamnes, depuis. Heureusement, car c’est bien connu. Les actes sont inutiles quand ils sont appuyés par de cinglantes déclarations comme tu le fais.
Tu sais, Monde, j’ai peur.
J’ai peur car nous ne cessons de renouveler nos pactes d’alliance, nous créons des Europes par ci, des démocraties par là, et on allume quelques bougies à l’occasion, pour se soulager et se déculpabiliser de tout ce qu’il y a eu au dessus dans ma lettre. Dans le même temps, nous envoyons les constructeurs de sécurité devant la Cour Internationale de Justice, nous jouons à être plus démocrates que les démocrates, et on se fait rapidement rattraper par la barbarie islamiste. Je ne généralise pas, c’est, si ma télévision dit vraie, cette barbarie, digne descendante du IIIème Reich, avec qui je suis contraint d’envisager mon avenir.
Ton silence ne m’est pas inconnu. « Le silence des Nations » est un terme que j’ai déjà entendu, lorsque l’on me racontait l’Histoire de mon peuple.
On me taxera peut être de paranoïaque qui regarde trop son passé, mais les similitudes que je trouve entre passé et présent m'autorise malheureusement à un minimum de prudence.
Et c’est là ou tu me fais le plus peur. Le silence n’a jamais disparu. Et chaque fois, je n’ai du compter que sur moi-même. Et si je me fie à min instinct, j’ai bien peur, comme si l’Histoire se répétait, de devoir me débrouiller tout seul … Il y a des millénaires déjà, un prophète de mon Livre disait : im ein ani li, mi li ?
Mais comment savait-il déjà que tu te tairais ?
Ainsi va la vie … le Monde va se taire, encore une fois …