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Les parents de la jeune fille juive agressée dans un collège de Brunoy sont condamnés à payer 4 000 euros d'amende à la principale du collège !
Par Ilana Moryoussef contact@proche-orient.info
Dans les attendus du jugement, il est notamment reproché aux parents d'avoir « médiatisé » l'affaire. Argumentation qui remet en cause le droit à l'information du public sur les débats judiciaires.
Les parents de Guittel n'ont plus qu'à méditer amèrement les promesses de Nicolas Sarkozy. « Face aux actes antisémites, a déclaré le ministre de l'Intérieur le 31 mars, lors de la soirée du 22ème anniversaire de Radio J, la seule réponse que je pourrai vous apporter, ce sont des faits : des gens arrêtés et des gens condamnés ».
Le 27 juin 2002, une adolescente juive, Guittel, a été battue par plusieurs élèves du collège Albert Camus de Brunoy (Essonne) où elle était venue passer les épreuves du brevet des collèges. (Lire à ce sujet notre article du 12 mars dernier). En fait de « réponse », ses parents viennent d'être condamnés par le tribunal correctionnel d'Evry à payer 4000 euros à la principale du collège Albert Camus et à son adjointe pour « constitution abusive de partie civile ». En clair, le tribunal estime que les parents de Guittel ont eu tort de poursuivre les responsables du collège pour non-assistance à personne en danger. « Elles ont su à chaque fois et sans délai réagir comme elles le devaient », précise le jugement qui relève que la plainte des parents « comprend de nombreuses erreurs ou inexactitudes et qu'elle est rédigée dans un style quelque peu excessif dénué de toute prudence ».
« Ma fille a été agressée et blessée et c'est moi qui dois payer ! C'est un comble ! »
« Je ne me faisais pas d'illusion, déclare maître Buchinger, l'avocat de Guittel. Je ne pensais pas que le tribunal prendrait le risque de déclencher des réactions syndicales en condamnant une principale de collège. La relaxe ne me surprend pas. En revanche, je suis effaré qu'on puisse condamner les parents. » Même incompréhension chez la mère de Guittel : « Ma fille a été agressée et blessée et c'est moi qui dois payer ! C'est un comble ! ».
L'avocat de la principale et de son adjointe, maître Horny, convient que le jugement peut paraître choquant, mais souligne que l'objet du procès n'était pas le caractère antisémite de l'agression mais l'éventuelle responsabilité de la principale et de son adjointe. « Il n'est pas tolérable d'insinuer que mes clientes n'auraient délibérément rien fait, sachant qu'une bagarre était en cours, sous le prétexte que la jeune fille agressée était juive, explique maître Horny. La démarche des parents s'est révélée contre-productive. C'est dramatique pour la jeune Guittel car elle finit par se retrouver dans une situation de coupable ».
Le tribunal a été sensible à l'argumentation de l'avocat de la défense. Il ne se contente pas de dire que leur attitude a été irréprochable. Il précise que « leur honneur personnel et professionnel a été très gravement mis en cause par des accusations à peine voilées d'antisémitisme alors que rien ne permet d'affirmer que les prévenues aient eu une parole, une pensée ou un acte inspirés par cette forme de racisme ».
C'est sans doute cela qui vaut aux parents d'être condamnés à payer des dommages et intérêts en plus des frais de procédure.
Depuis le début, l'affaire était mal partie. Les parents ont d'abord porté plainte contre les auteurs de l'agression. Devant les policiers, les jeunes filles reconnaissent les faits, mais l'affaire est classée sans suite. Le procureur estime qu'un simple rappel à la loi est suffisant. Les parents se retournent alors contre les responsables du collège. Ils estiment que la principale et son adjointe n'ont pas pris les précautions nécessaires alors même que le ministre de l'Éducation de l'époque, Jack Lang, a envoyé une circulaire invitant les chefs d'établissements à se montrer particulièrement vigilants en raison du contexte international.
L'avocat de la principale et de son adjointe, maître Horny, estime que les parents ont commis une erreur en poursuivant ses clientes. « Malgré le classement sans suite, ils avaient juridiquement les moyens de poursuivre les auteurs de l'agression, soit en déposant une plainte avec constitution de partie civile, soit en entreprenant une action devant un tribunal civil pour obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi par leur fille, soit (si les agresseurs n'étaient pas solvables) en saisissant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ». Comment expliquer alors la procédure contre les responsables de l'établissement ? Selon maître Horny, « les parties civiles se sont servies d'une bagarre entre deux filles pour faire croire que l'école de la République ne protège pas les élèves d'une école israélite ».
Ce qui a le plus choqué les parents de Guittel, c'est l'absence de compassion de la principale. « Si seulement elle avait téléphoné après l'agression pour prendre des nouvelles de ma fille, nous n'aurions jamais fait de procès », assure le père de l'adolescente agressée. Mais loin de manifester la moindre sympathie, la principale a nié tout au long du procès le caractère raciste de l'agression : « Je n'ai jamais pensé qu'il s'agissait d'un acte antisémite. À ce jour, je n'en suis pas persuadée », a-t-elle lancé à l'audience. Mais l'absence de compassion n'est pas un délit. Et l'avocat de la principale précise que ses clientes « ont très mal vécu la procédure et la médiatisation donnée par la partie adverse ».
Le tribunal non plus n'a pas apprécié la médiatisation. Et il le fait savoir. Un passage du jugement précise que « rien n'a été fait pour respecter la présomption d'innocence, le Tribunal constatant au surplus que cette affaire a fait l'objet d'une très importante mobilisation de la presse (vingt journalistes présents au moins au début des débats) qui n'est certainement pas du fait du tribunal ou de celui des prévenues ».
Un jugement si stupéfiant dans son argumentation que « proche-orient.info » a, de son côté, demandé à Maître Zaoui un commentaire sur cette affaire. « Surprise », « étonnement », telles sont ses premières réactions. Michel Zaoui, surtout, « ne voit pas la relation entre une médiatisation et la teneur d'une décision de justice. D'autant que « cette médiatisation » n'est que l'expression de la liberté d'opinion ». Cela remet en cause, souligne-t-il, « l'information du public sur les débats judiciaires ». Ce qui est pourtant particulièrement nécessaire dans l'actuel contexte traversé de dérives antisémites et malsaines.
Les parents de Guittel ne peuvent pas faire appel de la relaxe car le jugement fait suite à une citation directe. En revanche, ils peuvent contester la condamnation pécuniaire. Selon leur avocat, ils envisagent de le faire. De même qu'ils envisagent d'engager des poursuites contre les auteurs de l'agression.
Remarque de l'avocat de Guittel : dans sa déposition, Mme Borde décrit un professeur venu de l'école Beit Rivka de Yerres (privée sous contrat) pour surveiller les épreuves du brevet des collèges : « un homme en habit typiquement d'intégriste juif », a-t-elle dit aux policiers.
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