Insulté et agressé par un groupe de jeunes à Levallois, un homme peine à se faire reconnaitre comme victime par la police locale. Qui le traite plutôt comme un suspect.
Il y a de cela un peu plus de deux semaines, Frédéric est traité de « sale Juif » par un jeune qui passe en vélo dans une rue de Levallois. Il réagit et tente de faire descendre son agresseur de sa bicyclette.
Deux jours plus tard, rue Jules Guesde, Frédéric est à nouveau attaqué mais cette fois par un groupe. Lequel ne se contente pas de l’injurier mais lui donne en outre plusieurs coups derrière la tête, causant un traumatisme cranien dûment constaté dans un hôpital.
Après s’être réfugié dans un premier temps chez un épicier, la victime accompagnée de sa mère, porte plainte.
Mais au commissariat, il a du mal à faire consigner qu’on l’a insulté de « sale Juif » et de « sale Mongol ».
« J’ai des ordres de mon chef », explique le policier de service.
Le surlendemain, un vendredi, Frédéric est reconvoqué dans ce même commissariat. Handicapé depuis l’attentat de la rue Marboeuf survenu alors qu’il n’était qu’un gamin, il se fait accompagner de sa soeur, une journaliste qui a raconté au Parisien la mésaventure de son frère.
Dans le commissariat, « il y avait deux inspecteurs de la brigade de Genevilliers, un troisième qui écoutait et un quatrième de Levallois qui venait de temps en temps », raconte celle-ci.
Elle se rend compte peu à peu que l’on veut faire passer son frère pour un dérangé doublé d’un affabulateur qui aurait, de surcroît, probablement participé à une rixe. « Ils n’écrivaient même pas ce que disait mon frère, poursuit-elle.
A la question de savoir s’il avait des amis, il a répondu que ses amis étaient ses cousins. Ils ont alors écrit qu’il était solitaire et qu’il n’avait pas d’amis. Je l’ai vu et j’ai déchiré la feuille ».
Face aux dires de la victime, les policiers opposent les fameuses caméras de surveillance de Levallois qui n’auraient rien enregistré de suspect au moment de l’incident. « Certes, explique encore la soeur, mais à cet endroit précis, il n’y a pas de caméra et les plus proches se trouvent bien trop loin pour avoir pu filmer l’agression ».
Dans le commissariat, le ton monte. La jeune femme se fait traiter de « journaliste de merde » à cause de l’article paru dans Le Parisien.
Quand les deux plaignants demandent qu’on les laisse partir car l’heure du shabbat approche, on leur enjoint de rester.
Résultat, ils quitteront les lieux bien après l’heure de l’allumage des bougies. Après cette entrevue, le harcèlement se poursuit.
En effet, Frédéric a depuis reçu une injonction lui demandant de se présenter devant un psychiatre de la police.
« Mon frère n’en peut plus, précise la journaliste. Il a l’impression que, comme handicapé, sa parole ne vaut rien.
Pour lui, c’est très douloureux ». Cela dit, l’intéressée ne veut pas baisser les bras. Dans un premier temps, elle convainc sa mère, épuisée, de ne pas retirer la plainte déposée.
Puis, elle appelle le maire de Levallois, Patrick Balkany, pour lui présenter les faits.
Hélas, ce dernier lui répond en substance qu’il n’y a pas eu et qu’il n’y aura pas d’agression antisémite dans sa commune.
Devant tant de mauvaise fois et d’acharnement, la LICRA a été saisie. Celle-ci devait transmettre le dossier au Ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin.
« Ce qui est fou, conclut la journaliste, c’est que ce genre de comportement vous incite à faire justice vous-même.
Est-ce vraiment ce que l’on veut ? ».
Catherine Garson