Les enfants d'Avraham et ceux d'Ytshak ne sont donc pas deux facettes différentes de l'identité juive véritable, mais deux facettes d'une identité juive morcelée et fragmentée.
L'identité juive véritable est celle des enfants de Yaakov, les enfants de la Délivrance, qui viennent sortir de l'exil les enfants d'Avraham et ceux d'Ytshak.
Le Juif de la Guéoula contient en lui les dimensions séfarades et ashkénazes, c'est-à-dire, les étincelles de sainteté qui s'étaient éparpillées et perdues dans le monde, au milieu d'Ishmaël et d'Essav.
Cependant, il est étonnant d'affirmer que les enfants d'Ytshak sont tombés dans l'exil d'Ishmaël et ceux d'Avraham dans celui d'Essav.
Ytshak incarne la rigueur et la froideur de la crainte de Dieu.
Avraham incarne la joie et la chaleur de l'amour de Dieu.
Le judaïsme séfarade n'est-il pas joyeux et chaleureux, à la différence du judaïsme ashkénaze, plus froid et rigoureux?
Pour répondre à cette question, il faut comprendre les mécanismes profonds de l'histoire véritable, où opère la Main providentielle du Créateur et Maître du monde.
Un principe fondamental permet de comprendre la nature et la religion des peuples: le caractère et la religion d'un peuple sont toujours opposés d'une manière extrême.
S'il s'agit d'une religion vraie (non idolâtre et respectant les sept lois de Noa'h), elle complète les manques et les imperfections inhérents à la nature du peuple.
Le caractère de la nation et sa religion, sont alors comme un couple, où l'homme et la femme se complètent et parachèvent leurs manques, justement parce qu'ils sont différents et, souvent opposés.
Le caractère d'un peuple est sa dimension masculine et sa religion, sa dimension féminine.
Si un peuple est dur et rude de caractère, il exprimera la dimension contraire au travers de sa religion.
S'il est doux et généreux, il aura une religion dure et rigoureuse.
Ce qui est vrai pour la vérité, l'est aussi pour le mensonge.
Les fausses religions sont appelées "Massékha", dans la Torah, c'est-à-dire, un masque!
Elles viennent déguiser le peuple en dissimulant ses vrais défauts.
Dans les "religions des masques", un peuple cruel et sanguinaire s'inventera la "religion de l'amour" et celui qui aime la luxure et la jouissance s'inventera la religion de la rigueur et de la soumission totale à Dieu.
Mais le mensonge ressemble tellement à la vérité qu'il devient difficile de savoir si l'on se trouve en présence d'une religion vraie ou fausse.
Puisque la religion est toujours à l'opposé du caractère, comment savoir s'il s'agit d'un masque ou d'un véritable effort de perfection par l'union des contraires?!
La réponse est extrêmement simple!
S'il s'agit d'un masque, la religion est incapable d'améliorer la nature du peuple.
Pire encore, elle ne fait qu'accentuer les pires défauts en leur donnant une fausse et dangereuse légitimité.
On pourra donc tuer, massacrer, torturer, au nom de l'amour des hommes et pour la gloire du dieu de l'amour!
On pourra diviniser la jouissance, les rêves des mille et une nuits et s'inventer un paradis aux mille vierges au nom de la soumission à un dieu et en récompense à s'être fait déchiqueter pour lui!
La "religion des masques" masque les défauts au point que l'on finit par les oublier et pire encore, on finit par se persuader qu'ils sont des qualités!
Attention! Dans ce monde, mieux vaut un vrai mensonge qu'une fausse vérité, mieux vaut ne croire en rien que de se réfugier derrière une religion-masque.
Nos Maîtres disent, dans le Zohar, qu'Ishmaël est la "klipa du hessed", c'est-à-dire, "l'écorce de l'amour", "l'extériorité d'Avraham".
Cette définition parle du caractère d'Ishmaël et non de sa religion.
Que signifie, "l'écorce de l'amour"?
C'est exactement la différence entre aimer et s'aimer, entre donner et prendre!
Avraham a dévoilé que "l'autre" avait besoin d'amour, Ishmaël a compris que l'autre n'était qu'un instrument et un objet de l'amour.
Il est extrêmement important de révéler ici, que la nature d'Ishmaël est profondément et directement liée à son rapport à sa mère et à la vision qu'il a de la femme.
Sa mère, Agar est une servante, c'est-à-dire que sa fonction est "d'être utilisée".
De même, dans sa relation à l'homme et son rôle en tant qu'épouse, elle est "utilisée" afin de servir de "matrice" et de "mère porteuse" à Sarah!
Elle n'est pas l'épouse aimée, désirée et respectée, pour elle-même, mais, "celle qu'on utilise pour": ses bras, pour travailler dans la maison et son "ventre" pour faire des enfants.
C'est cette vision de la femme et de l'épouse qui marque profondément la nature et le caractère d'Ishmaël et, toute sa vie, il verra la femme comme une "servante-matrice".
Il est donc impossible qu'il puisse aimer la femme, mais il se fera aimer par elle!
Il est clair que tous les hommes perçoivent la femme comme ils ont perçu leur mère!
Pour Ishmaël, les conséquences sont désastreuses: il voile la féminité et lui interdit de montrer son visage, car il a honte de voir en elle la servante qui lui rappelle sa mère!
Puisqu'il ne vit que pour "prendre" de l'amour, il va masquer sa "nudité" en s'inventant la religion de la soumission totale à un dieu impitoyable, toujours en guerre contre les infidèles.
C'est pour cela que la Torah le décrit comme un guerrier, car il ne conçoit sa relation à D-ieu que sur un champ de batailles.
Essav, lui, est tout le contraire!
Nos Maîtres disent qu'il est la "klipa du din", "l'écorce de la rigueur", "l'extériorité de Ytshak".
La différence entre la vraie rigueur et "l'écorce de la rigueur", est celle entre faire la justice et se faire justice!
Exactement comme la différence entre aimer et se faire aimer, faire la justice ou se faire justice, donner ou prendre, faire de l'autre le sujet ou l'objet.
Ytshak a enseigné que "l'autre" avait besoin de justice, mais Essav a compris que l'autre n'existait que pour lui rendre justice.
Ytshak a enseigné les devoirs de l'homme, Essav n'a que des droits!
Le premier a donné au monde les dix commandements qui expriment tous les devoirs de l'homme, l'autre nous a donné les "droits de l'hommes" et ces "droits" ont fait basculer l'humanité à "gauche"!
Essav est rigoureux dès qu'il s'agit de sa personne, il ne laisse rien passer et ne pardonne rien, mais pour les autres, il va inventer la religion de l'amour et le culte de la misère.
L'autre doit "tendre sa joue" à la main qui le gifle, pardonner et aimer celui qui le hait, mais attention à celui qui ose s'approcher d'Essav!
Les "pauvres "sont les enfants de dieu, tant que les caisses du temple débordent de richesses.
Il faut pardonner à tous ceux qui nous offensent, tant que les "caves du dieu de l'amour" sont emplies de gens que l'on torture afin de sauver leur âme des "flammes de l'enfer".
Il faut aimer son prochain comme soi même, tant qu'il y a encore assez de bois pour brûler vif ceux qui n'ont pas compris que l'on était déjà entré dans les temps messianiques!
Ishmaël, le "mal-aimé", va inventer la religion de la rigueur et Essav, "l'écorché vif", va porter le masque de l'amour gratuit!
Essav, lui aussi va être marqué par sa mère, Rivka.
Lui aussi va voir la femme, comme il a vu sa mère!
Pour lui, la femme est l'ennemi, le danger, le mal!
Effectivement, la relation entre lui et sa mère est extrêmement complexe et tendue et il ne s'en remettra jamais!
Comment peut-il admettre et comprendre que sa propre mère se retourne contre lui et agit activement à sa perte en faisant tout pour que Yaakov prenne sa place?!
Bien sûr, nous donnons à Rivka toutes les bonnes raisons du monde, mais mettons- nous à la place de l'enfant, du fils, qui voit sa mère agir contre lui, comme une ennemie!!
Aucun enfant ne peut sortir psychologiquement indemne d'une telle expérience.
Essav et la civilisation qui en découle, sont la conséquence directe d'un drame humain jamais surmonté par un enfant qui s'est senti trahi et abandonné.
Nous ne justifions, bien sûr, en rien la "monstruosité" d'Essav, mais nous voulons seulement attirer l'attention sur un fait trop souvent passé sous silence par nombre de commentaires.
Puisque la "mère" est "l'ennemi", Essav va voir dans la femme "l'ennemi" du genre humain!
Dans sa religion, la femme va être associée à tout ce qui "fait descendre l'homme en enfer".
Alors qu'Ishmaël retrouve la femme au paradis, Essav la cherche, lui, en enfer!!
Il a tellement "peur" de la femme, qu'il ne l'accepte que "Vierge" et préconise le célibat!!
Bref, de la femme servante et voilée, à la femme vierge et diabolique, ces deux civilisations ont inventé le "religion de l'homme"!