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Retrait de Gaza : J - 3
De notre envoyée spéciale.
Israël s’apprête à vivre un événement inédit : l’évacuation des 21 petites colonies établies au fil du temps dans la bande de Gaza, depuis l’occupation de ce bout de Palestine par l’armée israélienne en juin 1967. Un peu plus de 8 000 colons s’y sont installés, dont une partie seulement cultive les terres prises aux Palestiniens, les autres exerçant diverses professions ou vivant tout simplement d’allocations sociales versées par l’État.
Toutes les familles ont reçu un ordre d’évacuation qui précise les modalités du retrait : elles ont jusqu’à dimanche pour partir avec l’aide logistique de l’armée et de l’État, qui se chargera de déménager leurs biens dans leurs nouvelles habitations, soit en Israël, soit dans des colonies de Cisjordanie. Ceux qui refuseront se verront accorder un délai de deux jours, mais l’armée viendra les déloger dès le 17 au matin et ils perdront l’aide au déménagement et peut-être aussi leurs indemnités.
Toute la question est de savoir combien de colons refuseront de partir et quelle sera leur attitude. Iront-ils jusqu’à résister par les armes ? Le Yesha, principale organisation représentant les colons tant de Gaza que de Cisjordanie, affirme qu’il a donné des consignes pour que la résistance soit passive et pacifique. Mais chacun sait, en Israël et chez les Palestiniens, qu’une provocation est toujours possible. Le fanatisme qui habite certains colons peut faire craindre le pire : nul n’a oublié l’assassinat d’Yithzak Rabin, en 1995, au nom de cette même idéologie.
manifestations quotidiennes
En attendant, les colons, l’extrême droite et la partie du Likoud opposée au retrait jouent leur va-tout et mobilisent. Il ne se passe pas de jour sans manifestation. Mercredi soir, c’est la vieille ville de Jérusalem qui était envahie par des milliers d’Israéliens hostiles au retrait. Par cars entiers, venant de toutes les colonies de Cisjordanie, des familles nombreuses au grand complet arborant la couleur orange, leur signe de ralliement, se sont précipitées dans les rues de la vieille ville vers le mur des Lamentations, où les rabbins ont dirigé des prières, suppliant le Ciel d’intervenir, de susciter un « miracle » pour empêcher l’évacuation. Selon la presse israélienne, ils étaient 70 000 et les Palestiniens de la vieille ville, éberlués et inquiets, affirmaient n’avoir jamais vu tant de monde.
Ils étaient largement aussi nombreux jeudi soir à Tel-Aviv, toujours à l’appel du Yesha, qui n’avait pas hésité à choisir la place Yitzhak-Rabin comme lieu de rassemblement et d’appel à la désobéissance civile. Des consignes ont été données pour rendre la tâche la plus difficile possible aux autorités : chaînes humaines pour bloquer les accès à la bande de Gaza dimanche et les jours suivants, siège des « check-points » de l’armée, infiltration des militants les plus déterminés dans les colonies, pourtant décrétées depuis deux semaines « zones militaires fermées » et interdites d’accès à tout citoyen israélien qui n’y réside pas, appel aux soldats à ne pas « obéir aux ordres impies d’expulser des juifs ».
Le gouvernement, qui redoute des incidents violents, tente par tous les moyens de calmer le jeu en caressant les colons dans le sens du poil. Ariel Sharon a promis mercredi que cette évacuation était « la der des der ». « Nous allons garder fermement sous notre contrôle tous les grands blocs de colonies de Cisjordanie et Jérusalem, a-t-il dit. Il n’est pas question de négocier cela avec les Palestiniens. Et nous avons l’accord des États-Unis et de l’Europe. »
Moshe Katsav demande pardon
De son côté, le président de l’État, Moshe Katsav, a « demandé pardon aux colons » au nom de l’État et demandé à tous les Israéliens de « partager leur peine », allant même jusqu’à les traiter de « héros courageux ».
Des propos qui sont très mal accueillis du côté palestinien, où l’on ne se fait aucune illusion sur les intentions réelles d’Ariel Sharon : il ne lâche Gaza que sous la pression pour mieux garder la Cisjordanie et s’attirer les bonnes grâces de la communauté internationale. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a cependant annoncé qu’il avait passé un accord avec le Hamas et les autres groupes d’opposition armés pour qu’aucune action ne soit lancée contre les Israéliens pendant toute la durée de l’évacuation. Il a également annoncé le déploiement de 5 000 policiers palestiniens pour assurer le calme et demandé que les célébrations du départ de l’occupant se fassent sans les traditionnels tirs en l’air. Mais c’est sans doute beaucoup demander à UNE POPULATION QUI EN A TANT SOUFFERT DE LEUR PRESENCE.
Françoise Germain-Robin