Théodore Herzl Dans les pays où nous vivions depuis des siècles, nous étions considérés comme des étrangés
Théodore Herzl
SVP-Israel numero : 9
”Rencontre” avec Théodore Herzl
Israël fêtera le 23 avril prochain, le 59ème anniversaire de sa création, à laquelle Théodore Herzl fut étroitement associé. Une occasion pour SVP-Israël de ”rencontrer” le grand homme, en veillant à reproduire fidèlement ses principales déclarations ou écrits…
– SVP-Israël : Comment vous est venue cette idée de vouloir fonder un Etat Juif ?
– Théodore Herzl : Quand je le disais publiquement, on me riait au nez, mais je restais convaincu que quelques décennies plus tard, on comprendrait sûrement… Et j’ai toujours pensé que si les juifs le voulaient, ce ne sera pas un rêve. Je fus un homme isolé et solitaire. Demain, peut-être, le chef spirituel de centaines de milliers d’hommes. En tout cas, l’inventeur et l’apôtre d’une idée puissante.
– Un rêve et une mission extraordinairement difficiles à réaliser à l’époque…
– Certes. Avouez que c’est tout de même quelque chose pour le journaliste démuni que j’étais, agissant au sein de la plus profonde dégradation du peuple juif et à l’époque de l’antisémitisme le plus répugnant, de transformer un chiffon en drapeau et une bande de gens dispersés en un peuple rassemblé, debout, autour de ce drapeau. Aucun être humain n’est assez riche ni assez puissant pour transplanter une nation d’un pays à l’autre. Seule une idée peut y parvenir… L’an prochain à Jérusalem est une maxime ancienne de notre peuple. La question était de savoir comment convertir le rêve en réalité tangible… Dans ses grandes lignes, le plan était d’une très grande simplicité… Que l’on nous donnât la pleine souveraineté sur notre terre de manière à satisfaire les besoins légitimes de notre peuple, et nous nous occuperions de tout le reste.
– Israël était-il une réponse à l’antisémitisme ?
– Oui, car c'est en vain que nous étions des patriotes loyaux, voir super-loyaux. Dans les pays où nous vivions depuis des siècles, on nous déclarait étrangers. Personnellement, rien ne me préparait à ma mission. J'étais écrivain et journaliste, et je ne pensais pas spécialement aux juifs. Mais la pression croissante de l'antisémitisme m'a contraint à me saisir du problème, qui en fait était la conséquence de l’émancipation des juifs. L’assimilation est une cause perdue.
– Comment conceviez-vous alors la co-existence en Israël de toutes les religions ?
– Chaque individu serait aussi parfaitement libre dans sa foi ou dans son incroyance que dans sa nationalité. Et s'il arrive que des fidèles d'une autre confession, des sujets d'une autre nation résident chez nous, nous leur accorderions une protection loyale et l'égalité des droits.
– Etiez-vous optimiste sur la pérennité de votre utopie ?
– Naturellement. Quelle gloire attendrait les combattants de cette idée ! Les Juifs qui le voulaient auront leur État. Nous serons enfin des hommes libres sur notre terre et nous mourrons en paix dans notre patrie. Le monde sera libéré par notre liberté, enrichi de notre richesse, agrandi de notre grandeur. Et ce que nous tenterons là-bas pour notre propre postérité aura des effets puissants et heureux pour le bien-être de toute l’humanité. D’ailleurs, c’est une utopie qu’il nous faudra impérativement réaliser, car nous avions loyalement tenté de nous fondre dans les communautés nationales qui nous entouraient et de ne conserver que la foi de nos pères. On ne nous le permettait pas. C’est en vain que nous étions de bons patriotes, voire même dans certains pays des patriotes exacerbés. C’est en vain que nous consentions les mêmes sacrifices en argent et en sang que nos concitoyens, c’est en vain que nous nous efforcions de rehausser la gloire de nos patries dans les arts et les sciences, ou encore d’augmenter leurs richesses par le commerce et les échanges. Dans les pays où nous vivions depuis des siècles, nous étions considérés comme des étrangers, souvent même par ceux dont les ancêtres n’y étaient pas établis alors que nos pères s’y lamentaient depuis longtemps.
– Israël une fois créé et reconnu, le sionisme a-t-il un avenir ?
– Je suis sincèrement convaincu qu’après l’entrée en possession de notre Terre, le sionisme ne cessera pas pour autant de constituer un idéal. En effet, ce mouvement englobe non seulement l’aspiration à un coin de terre légalement acquis pour notre peuple épuisé, mais également l’ardent désir d’un accomplissement éthique et spirituel. J’ai décrit le sionisme comme un idéal illimité, et je crois sincèrement qu’il restera un idéal après notre retour en Terre d’Israël. Car le sionisme, selon moi, inclut non seulement le désir d’une partie de la Terre promise légalement acquise pour notre peuple accablé mais également l’aspiration à des réalisations morales et spirituelles.
par Gilles Sitruk