La mort, samedi 9 avril, de trois Palestiniens, abattus par l'armée israélienne dans le sud de la bande de Gaza, peut-elle remettre en cause la trêve observée de facto par les groupes radicaux palestiniens depuis le 17 mars ? Le chef du Djihad islamique, Mohammed Al-Hindi a clairement envisagé cette option lors de la conférence de presse qu'il a donnée samedi: "Jusqu'à présent, les factions palestiniennes n'ont pas déclaré la fin de l'accalmie (...). Mais elles étudient à nouveau la question en raison de la poursuite de l'agression sioniste", a-t-il dit
Quelques instants plus tôt, Abou Abdallah, porte-parole du mouvement, avait déclaré que le Djihad n'était plus lié à la trêve décrétée avec Israël. "Les brigades de Jérusalem sont libres de tout engagement au calme après que les Israéliens eurent répandu le sang de jeunes Palestiniens", avait-il dit, poursuivant : "Cela signifie que nous ne sommes plus liés à la trêve."
Les circonstances de la mort des trois adolescents ne sont pas clairement établies. Des témoins rapportent que ces jeunes, âgés de 14 à 16 ans, jouaient au football près de la frontière israélienne, à proximité d'une base militaire du camp de réfugiés de Rafah, quand des soldats leur ont tiré dessus, tuant trois d'entre eux. Ils précisent que les victimes n'étaient pas armées.
LES GERMES D'UNE TROISIÈME INTIFADA
La version des militaires israéliens est très différentes : "Des soldats ont repéré cinq suspects qui rampaient vers la frontière. A un moment donné, ils se sont mis à courir en dépit de tirs de semonce." L'armée israélienne a déclaré qu'une enquête avait été ouverte.
Il s'agit du premier incident de ce type depuis le 17 mars. L'autorité palestinienne a dénoncé une grave "violation de la trêve par Israël" et exigé son respect. L'accalmie avait été rompue une première fois jeudi, côté palestinien, par un tir de roquette sur Israël, dans le désert de Néguev, qui n'avait pas fait de victime.Peu après la mort des trois Palestiniens, neuf tirs de mortier ont visé des colonies juives de la bande de Gaza sans faire de victime. Cette action a été revendiquée par le Hamas.
La tension est d'autant plus forte ce week-end que des nationalistes juifs menacent toujours de manifester, dimanche, sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem, pour protester contre le plan de retrait de Gaza défendu par Sharon. "Si les sionistes défilent devant la mosquée d'Al-Aqsa, ils sèmeront les germes d'une troisième intifada", a déclaré samedi, à Gaza, Nizar Rayyan, un haut responsable du Hamas. Le même mot d'ordre a été repris par des milliers de manifestants palestiniens, qui ont défilé dans la bande de Gaza et à Ramallah, en Cisjordanie.
LE TROISIÈME LIEU SAINT DE L'ISLAM
A Alexandrie, une manifestation similaire a rassemblé 7 000 étudiants égyptiens. Le recteur de la mosquée d'Al-Azhar, considéré comme la plus haute autorité spirituelle de l'islam sunnite, s'est joint samedi à ses mises en garde. "Toute violation du caractère sacré de la mosquée d'Al-Aqsa mènera à une explosion de la région en raison de son statut aux yeux des musulmans", a déclaré l'imam Mohammed Sayyed Tantaoui, exhortant la communauté internationale à assumer ses responsabilités et à protéger l'esplanade, troisième lieu saint de l'islam après la Mecque et Médine.
Le 28 septembre 2000, la visite de l'esplanade par l'actuel premier ministre Ariel Sharon, alors chef de l'opposition, avait été ressentie comme une provocation par les Palestiniens. La répression sanglante par la police israélienne de manifestations de protestation palestiniennes au lendemain de cette visite avait marqué le déclenchement de la deuxième intifada.
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a assuré avoir obtenu des garanties israéliennes contre toute provocation. La police a déployé plusieurs milliers d'hommes dans la vieille ville de Jérusalem pour empêcher le groupuscule ultra nationaliste"Revava" (Myriade, en hébreu) de pénétrer sur l'esplanade et pour faire face à des contre-manifestations palestiniennes. Le ministre israélien de la sécurité intérieure, Gideon Ezra, a déclaré sur Radio-Israël qu'il craignait que les extrémistes juifs cherchent à provoquer des tensions pour "stopper le désengagement" de Gaza, dont la mise en oeuvre doit débuter en juillet.
AFP et Reuters