Mon camarade Malbrunot, l’ami des Arabes (info # 013108/4) [analyse]
par Jérôme Coursade © Metula News Agency
Journaliste français, travaillant depuis vingt-huit ans en Israël, j’ai choisi d’envoyer ce papier à la Ména pour trois raisons : La première, c’est que j’ai longtemps fréquenté le journaliste otage Georges Malbrunot, notamment durant sa période jérusalémite, et qu’il ne m’est pas possible de laisser dire les torrents d’inepties encenseuses, que l’on entend ces jours à propos de ce camarade malheureux, en restant coi. La seconde, c’est que les médias pour lesquels je travaille d’ordinaire, pris à nouveau et jusqu’aux oreilles, dans la niaiserie de l’opinion unique, auraient sans aucun doute refusé cet article et la troisième, c’est que, de plus en plus, la Ména, pour un journaliste professionnel, est gage de confiance. Confiance en ce que la rédaction respectera mon texte, quel que soit son contenu d’ailleurs et certitude d’être lu par mes confrères et par un grand nombre de lecteurs intelligents.
Avant de vous dire ce que je veux vous dire, permettez-moi de souhaiter sincèrement la remise en liberté de nos deux collègues et de leur chauffeur syrien. Au-delà de la nécessité de mettre certaines choses douloureuses au point, Malbrunot est un excellent camarade, fort sympathique et plein de charme, qui doit absolument recouvrer la liberté.
Ceci dit, dans la plus grande cordialité et sincérité, je dois préciser que Georges et moi avons des perceptions tout à fait incompatibles du métier de journaliste. Pour ma part, je ne conçois de possible que l’approche neutre et en perpétuelle recherche d’objectivité quant à l’actualité que je couvre. Malbrunot ne correspond pas à cette définition ; il est un homme engagé, bourré de partis pris, d’empathies profondes et sincères autant que d’antipathies irréductibles. Il sert ce qu’il croit être juste, l’alimentant à l’auge des péripéties qu’offre la situation, bien plus qu’il ne relate des faits. Autant l’écrire tout de suite, je n’ai jamais considéré cet homme comme un collègue mais plutôt comme un activiste politique, se servant de médias consentants comme de haut-parleurs pour faire entendre ses idées.
J’en suis arrivé là de mes conclusions, le jour où, au consulat de France de Jérusalem, j’ai vu Georges s’en prendre vertement à l’officiel qui nous recevait, obligeant littéralement le pauvre homme récalcitrant à écouter ses conseils : "Pourquoi condamnait-on le terrorisme" questionnait-il à très haute voix, "pourquoi n’épousait-on pas complètement la position palestinienne ?" Malbrunot ajoutait : "Il faut faire pression sur l’Etat juif, sans se montrer compréhensifs, sans faire le moindre compromis. Il fallait… il fallait…", mon ami bégayait, emporté par ses passions, si bien qu’il ne put jamais finir cette phrase.
Le cadre est posé. Georges Malbrunot, qui travaillait alors pour Europe 1 en tant que correspondant dans la région - on était à la moitié des années quatre-vingt-dix - était un pro arabes extrémiste, au-delà de tout ce qui est journalistiquement concevable. Il était si anti-israélien, qu’il vivait comme si Israël n’existait pas. Il habitait le quartier de Cheikh Jarrah, dans la Jérusalem arabe et il avait établi ses quartiers généraux à l’hôtel American Colony. Malbrunot ne s’aventurait du côté juif qu’en cas d’absolue nécessité ou pour aller draguer de jeunes israéliennes. Cette occupation, qui le poussait même jusqu’à Tel Aviv, avait, je m’en souviens, quelque chose d’obsessif. Une fois, au Café Rimon, alors qu’il entreprenait une jeune et jolie avocate, je lui avais cassé volontairement ses effets, tant il me semblait que la jeune femme devait savoir à quel point extrême Georges détestait son pays, avant d’accepter de l’embrasser. Toute autre attitude de ma part m’aurait semblée contre-nature.
Ces jours, en constatant à la télévision les appels en faveur des journalistes français, je n’ai guère été ému de voir les représentants des organisations terroristes du Hamas, du Djihad et Yasser Arafat plaider pour leur liberté. Malbrunot était leur ami et leur familier, leur soutien et leur champion.
Lisant, ce matin dans le Figaro, sous la plume de Thierry Oberlé : " Lorsqu'il couvrait le conflit israélo-palestinien, Georges Malbrunot était installé à Jérusalem, comme la plupart de ses confrères en poste dans la région, mais il avait aussi un pied-à-terre à Gaza, cette prison à ciel ouvert où s'entassent des centaines de milliers de Palestiniens", je distingue mieux, dans cet excès suffoquant, l’émulation du camarade engagé que j’ai connu, que lorsque le même quotidien titre : "La passion d’informer".
A son arrivée à Jérusalem, Malbrunot n’était que stringer (rabatteur d’informations, pas reporter) pour Europe. Assez rapidement, il réussit à convaincre la rédaction de la radio périphérique de la "nécessité" de posséder un correspondant, lui, dans les territoires palestiniens. Il avait persuadé Europe, que son correspondant permanent d’alors, Yeshayahou Ben Porat, était par "trop israélien" et finalement, il prit en main toute la couverture du conflit.
Dans ces conditions, on comprendra que lorsque j’ai entendu FR2 vanter "l’indépendance d’esprit" de Malbrunot, je n’ai pu m’empêcher de sourire. En vérité, ce camarade a amplement participé à introduire la pensée unique anti-israélienne et désinformatrice au sein d’Europe numéro un. Il a été, dans une large mesure, le pendant de David Daure, deux ans plutôt, directeur du bureau de l’AFP de Jérusalem, qui a largement contribué à créer le système anti-israélien ou anti-sioniste, ce qui revient strictement au même, au sein de l’agence de presse officielle de la France.
Ensuite, Malbrunot se mit à collectionner les correspondances pour d’autres médias tricolores. Il n’était pas que partial, encore était-il vénal. En 1995, nous couvrîmes en parallèle les négociations de Taba en vue de la signature de l’accord d’Oslo II. Tous les jours, Georges envoyait le même article à plusieurs employeurs, se contentant de changer, ici un mot, là une formule. A peine ses papiers étaient-ils dispatchés, qu’il sortait un petit carnet, sur lequel il comptabilisait l’argent qui lui manquait encore pour s’acheter un appartement, chez lui, à Montaiguët-en-Forez, dans l’Allier. Nous ne faisions pas mystère de nos divergences éthiques et déontologiques ; pendant que nous bronzions au soleil de la mer Rouge, alors qu’il venait de ranger son calepin de comptes, je lui demandai : "Ca paie bien d’écrire d’une façon aussi partisane ?" "C’est très demandé", me répondit mon camarade, cynique, "non seulement ça rapporte mais ça me fait connaître". Aujourd’hui, George Malbrunot collabore régulièrement au Figaro, à Ouest-France, à RTL et au Point.
Mais maintenant Georges est prisonnier de cette coalition terroriste arabe, qu’il a tant comprise et défendue. Et lorsque Amr Moussa, le Secrétaire général de la Ligue arabe, affirme : "les journalistes français sont aussi nos amis pour ce qu’ils écrivent sur les Arabes", cela pourrait qualifier directement l’engagement de mon confrère.
Que se passe-t-il, l’Armée islamique d’Irak est-elle devenue folle de s’en prendre aux meilleurs ambassadeurs de sa cause ? Ou bien, serait-ce Malbrunot qui aurait plutôt mal lu la dimension universaliste de la guerre menée par les terroristes de l’islam ? Pourtant, cette dimension apparaît clairement, dans la charte du Hamas, par exemple. La guerre des intégristes semble ne pas connaître, ni les frontières de l’Irak, ni celles de la Palestine. Un monde dans lequel les femmes n’iraient pas couvertes n’est pas un état du monde acceptable pour les salafistes. Abandonner à la France le droit de freiner l’islamisation du globe vaut certes plus cher que la vie d’un ami chrétien ; c’est, malencontreusement, en ces termes que les coupeurs de têtes posent leurs équations. Il s’agit alors, comme l’écrit El Pais, d’une situation dans laquelle nous serions tous otages de cette volonté hégémoniste. De ce chantage menaçant le contenu de nos âmes.
Permettez-moi aussi de craindre les offres que la diplomatie chiraquienne est en train de faire aux terroristes. S’il est absolument nécessaire de tout faire pour libérer les otages, ce "tout" connaît cependant certaines limites au niveau d’un Etat européen. Souffrez, dans ces conditions, que je craigne – d’expérience – les Barnier, les de Villepin et leur patron Jacques Chirac.
Pendant que la destinée de ce camarade, que j’ai si bien connu, traverse des heures dramatiques, chaque soir, en cherchant difficilement le sommeil, je le revois, lors d’une conférence à laquelle nous assistions ensemble, harceler le discoureur israélien de questions accusatrices, ne pas le lâcher, dans une attitude qui seyait à un activiste arabe et pas à un correspondant de média occidental. Dans mon rêve, le conférencier parlait précisément de la notion de globalité dans la révolution islamiste et Georges Malbrunot lui disait qu’il avait tort, l’invectivait presque.
L’essentiel, ça n’est plus d’avoir tort ou raison, c’est qu’avec Christian Chesnot, vous reveniez sains et saufs de ce voyage dans l’enfer islamique.
Metula News