GAZA, Bande de Gaza - Quand le week-end commence-t-il? La question relève du casse-tête politique pour les fonctionnaires de la Bande de Gaza, victimes des consignes et pressions contradictoires du Hamas au pouvoir dans ce territoire d'un côté, et du gouvernement officiel installé en Cisjordanie de l'autre.
"Les fonctionnaires sont comme des clous. Tout le monde nous tape sur la tête! Le pauvre employé paie le prix des divisions politiques", constate Atef Abou Jrad, responsable syndical à Gaza. Car le week-end est devenu un nouvel enjeu dans la bataille entre le Hamas et le Fatah.
Le Mouvement de la résistance islamique, qui a pris le contrôle de la Bande de Gaza à la mi-juin, a décidé l'an dernier -en partie pour se distinguer d'Israël- que les quelque 164.000 fonctionnaires palestiniens se reposeraient les jeudi et vendredi. Mais le gouvernement du Fatah, qui dirige la Cisjordanie et est le seul reconnu et financé par la communauté internationale, s'est prononcé début juin pour les vendredi et samedi, pour plus de compatibilité avec la plupart des pays arabes et occidentaux.
Résultat: les agents de la fonction publique sont harcelés par les miliciens du Hamas, et risquent d'être rayés des listes par l'exécutif de Cisjordanie qui les paie. Or ils font vivre environ un quart des Palestiniens des Territoires.
Jusqu'à la victoire du Hamas aux élections législatives en 2006, les Palestiniens travaillaient six jours par semaine, se reposant le vendredi, jour de prière pour les musulmans. Toutefois beaucoup quittaient leur travail plus tôt le jeudi. Abou Abdallah (un nom d'emprunt, NDLR), employé au ministère de la Santé à Gaza, est partisan du Hamas et du jeudi-vendredi, mais il risque gros. "Je travaille ici depuis dix ans. Va-t-on en fin de compte juger tout le travail que j'ai fait, tout ce que j'ai donné au ministère, sur le fait que je travaille ou pas le samedi?", s'exclame-t-il.
Car un ministre du gouvernement officiel en Cisjordanie, Achraf Ajrami, a prévenu que les sympathisants du Hamas risquaient de ne plus recevoir leur salaire et affirmé qu'un millier de fonctionnaires ayant coopéré avec le parti islamiste n'avaient déjà pas été payés en juillet. A cela s'ajoutent quelque 31.000 employés qui avaient été embauchés par le Hamas l'an dernier. La suspension des salaires est un coup dur dans la Bande de Gaza, où la plupart des familles vivent sous le seuil de pauvreté. "Que le Hamas les paie!", rétorque Nimr Hamad, conseiller auprès de Mahmoud Abbas.
La riposte du Mouvement de la résistance islamique ne s'est pas fait attendre, des hommes armés forçant les ministères et institutions publiques à fermer le jeudi. Un responsable de la sécurité à un ministère de Gaza affirme avoir refoulé une vingtaine d'employés venus travailler jeudi. "Qu'ils reviennent samedi", lâche-t-il.
Dans ces conditions, au ministère de la Culture, Abou Abed, qui ne veut pas non plus voir publié son vrai patronyme, explique avoir trouvé la solution avec ses collègues: un week-end de trois jours. "Disons que nous sommes forcés de prendre des vacances..." L'astuce ne plaît pas à Bassem Naïm, vice-ministre de la Santé dans la Bande de Gaza et membre du Hamas, qui prévient que les adeptes du week-end de trois jours seront sanctionnés. Le troisième jour pourrait par exemple être déduit de leurs congés.
En fin de compte, l'argent est le nerf de la guerre du week-end: le ministre de l'Economie du gouvernement Hamas, Ziad Zaza, a beau avoir promis samedi que les fonctionnaires observant le repos des jeudi et vendredi seraient payés, où son administration isolée trouvera-t-elle les fonds?
Nombre de fonctionnaires semblent plus rassurés par les promesses du gouvernement de Ramallah, et seuls quatre sont venus travailler samedi au département des finances du ministère de la Santé. "Les autres ont peur de ne pas être payés", affirme Fayez al-Chalatoni, partisan du Hamas. Quant à Abou Abdallah, il est resté chez lui samedi mais n'a pas l'esprit tranquille. "On ne profite plus de nos week-ends", soupire-t-il. AP