Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison
Ah c'est toujours toi que l'on blesse
C'est toujours ton miroir brisé
Mon pauvre bonheur, ma faiblesse
Toi qu'on insulte et qu'on délaisse
Dans toute chair martyrisée
La faim, la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C'est par mon amour que j'y crois
En elle je porte ma croix
Et de leurs nuits ma nuit se fonde
Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison
(Louis Aragon)
Que sais tu des plus simples choses ?
Les jours sont des soleils grimés
De quoi la nuit rêvent les roses ?
Tous les feux s’en vont en fumés
Que sais-tu du malheur d'aimer ?
Je t'ai cherché au bout des chambres
Ou la lampe était allumée
Nos pas ne s unissaient pas ensemble
Ni nos bras sur nous refermés
Que sais-tu du malheur d'aimer ?
Je t'ai cherché à la fenêtre
Les parcs en vain sont parfumés
Ou peux-tu, peux-tu bien être
A quoi bon vivre au mois de mai
Que sais-tu du malheur d'aimer ?
Que sais-tu de la longue attente ?
Et ne vivre qu'à te nommer
D. toujours même est différente
Et de toi moi seul à blâmé
Que sais-tu du malheur d'aimer ?
Que je n'oublie et je demeure
Comme le rameur sans ramer
Sais tu ce qu il est long qu'on meure ?
A s'écouter se consumer
Connais-tu le malheur d'aimer ?
(Louis d’Aragon)