Uwe Max Jensen, l'artiste danois qui dérange
Par Slim Allagui
AARHUS (AFP) - Artiste-provo, perturbateur, Uwe Max Jensen, un Danois de 34 ans, défraie la chronique depuis des années avec ses représentations artistiques controversées qui mettent à rude épreuve l'esprit d'ouverture et la tolérance des spectateurs.
La voix douce, le regard presque juvénile, ce père de 3 enfants se défend d'"être un fou ou un provocateur". "Les gens n'aiment pas les produits naturels que j'utilise dans mes oeuvres: le sang, l'urine et la merde... Ils préfèrent la peinture sur huile!", constate-t-il. "Et pourtant c'est un matériau de travail qui ne coûte rien et que nous avons tous dans notre corps", dit-il.
Sa dernière "performance" ne fait pas exception: il s'est promené fin juillet matin et soir pendant une semaine avec son petit chien Rocky sur le gazon du Kunstmuseum ARoS, le dernier-né des musées d'avant-garde à Aarhus, au centre du Danemark, en laissant des "souvenirs" de son animal sur l'herbe.
"C'est un cadeau pour le musée qui ne doit pas payer pour le spectacle", souligne Jensen. Un musée qui ne connaît que trop bien ses frasques.
En janvier 2005, il avait uriné sur la sculpture "Waterfalls" du dano-islandais Olafur Eliasson en affirmant: "Je n'ai pas amélioré l'oeuvre. Je n'ai fait qu'y apporter un peu d'art local, qui manque terriblement à ce musée".
Certains le considèrent comme "un vandale illuminé", d'autres saluent en lui le "génie d'un laboratoire expérimental" qui pousse les limites de l'art conceptuel.
L'artiste, qui a exposé dans divers musées en Europe, s'était illustré en 2002 à Genève en exposant un caillou, sous le titre "Sculpture conçue pour l'intérieur d'une chaussure", que les visiteurs étaint invités à glisser dans leurs chaussures.
Parmi ses autres installations, on relève "La Buanderie de Maman", qui met en scène sa propre mère, en chair et en os, avec une machine à laver, un séchoir et un fer à repasser.
Le public pouvait déposer son linge sale pour le retrouver propre et repassé à la sortie de l'exposition, "libérant les visiteurs de leurs tâches domestiques et des actes triviaux de la vie quotidienne pour qu'ils se consacrent à l'art", dit-il.
En mars dernier, il étonnait encore avec sa performance en direct dans un musée d'Aarhus où il fabriquait du "boudin avec son propre sang", du boudin que sa fille de 11 ans donnait ensuite à goûter aux visiteurs.
Admirateur du Français Marcel Duchamp, "notamment son +Urinoir+", une oeuvre caractéristique du mouvement dada, et de l'Italien Piero Manzoni pour sa création "Merde d'artiste en boîte", il attire l'attention de la coqueluche internationale du cinéma danois, Lars von Trier, qui l'a invité en mai à son 50e anniversaire, lors d'une fête placée sous le signe de la provocation, de l'étonnement et de l'absurde.
"Je lui ai offert une oeuvre, +Le doute de Narcisse+, où j'ai pissé sur un miroir", confie-t-il, en se disant "fier de cette invitation, une reconnaissance (de son talent) de la part d'un des plus grands génies du Danemark".
Ses représentations choquent, comme sa "peinture murale temporaire" réalisée dans la ville de Brande à l'aide de son "pinceau naturel" et des "matériaux naturellement contenus dans son corps": deux passants ont porté plainte auprès de la police, qui a condamné l'artiste à une amende de 2.000 couronnes (268 euros) pour "trouble à l'ordre public".
Jensen a refusé de payer l'amende, ramenée à 1.000 couronnes ou 6 jours de prison par un tribunal. Il estime que son oeuvre, "de par sa contemplation sur le caractère éphémère des choses, peut être considérée comme un nouveau genre de vanité".
Et il attend depuis "impatiemment" de purger sa peine, estimant "inacceptable dans un Etat de droit qu'on puisse éviter la prison simplement parce qu'on a plus de moyens qu'un autre".