Dans le numéro 763 de Courrier International, on peut lire à la page 43 une chanson de rap écrite par le britannique Martin Mubanga, ancien détenu à la prison américaine de Guantanamo. Cette chanson est, je trouve, caractéristique d’un mode de pensée typique de la gauche bien-pensante française et du monde arabo-musulman, et qui consiste à reprocher à peu près tout ce qui est reprochable aux Etats-Unis (ainsi qu’a Israël généralement) en particulier, et à l’occident en général, sans rien reprocher au monde arabo-musulman.
Dans cette chanson, on comprend très clairement que Martin Mubanga reproche aux américains la guerre en Irak, ainsi que les autres interventions militaires américaines visant le monde musulman. Mais cela ne tient pas la route : si personne ne met en doute le fait « qu’être musulman c’est un truc profond », qui a tué le plus de « bébés musulmans » ? L’armée américaine ou le GIA algérien ? Qui a fait le plus pleurer « les mères musulmanes » ? Les Etats-Unis ou les talibans ? Qui a fait s’enfuir le plus de « soldats musulmans » ? Les bombes américaines, ou les armes chimiques utilisées par Saddam Hussein ?
Pour toute personne de bonne fois, les réponses à ces trois questions sont évidentes. Et, à partir de là, on peut aller plus loin : qui a le plus opprimé les arabes ? Tsahal, ou les régimes fascistes syriens, libyens, saoudiens et irakien ? Qui a colonisé des pays musulmans le plus longtemps ? La France et l’Angleterre, ou l’Empire Ottoman ? Le retard économique des pays arabes est-il dû à la colonisation, ou à la corruption, à la guerre et à la dictature ? Les dictatures opprimant la quasi-totalité des arabes sont-elles la faute d’Israël, ou la faute des dictateurs eux-mêmes ?
Et pourtant, on ne reproche l’oppression, la colonisation, la pauvreté, la dictature, les massacres, et les morts qu’à l’occident. Pas aux arabes eux même. En fait, c’est comme si seul des arabes ou des musulmans avaient le droit de tuer d’autres arabes ou musulmans.
On peut faire une remarque similaire à propos de Jérusalem : Jérusalem est sensé être le troisième lieu saint de l’Islam, mais, de toute l’Histoire de l’Islam, les deux seuls et uniques moments où Jérusalem fut glorifié et présenté comme une ville Sainte musulmane furent pendant les Croisades et depuis l’Indépendance d’Israël. Le reste du temps, la ville Sainte ne fut guère plus qu’un vulgaire chef lieux, une ville secondaire d’une province mineure, et qui n’était en rien béatifié comme elle l’est aujourd’hui par les imams ou les dirigeants arabes. En fait, c’est un peu comme si, dans la conscience collective arabo-musulmane, Jérusalem n’avait aucun intérêt mais devait absolument rester sous domination musulmane.
Que des choses pareilles soient pensées par le monde arabo-musulman, c’est une chose. Qu’elles le soient également par une bonne partie de la gauche bien-pensante occidentale en est une autre, et bien plus dangereuse. Car cela traduit une telle haine de soit (sans doute dû à une mauvaise conscience résultant de la colonisation, et d’une vision simpliste et alter-mondialiste du sous-développement dont souffre le monde arabe) que l’on peut se demander où elle s’arrêtera : verra-t-on bientôt José Bové, Pascal Boniface ou Patrick Farbiaz demandé que l’on instaure la Charia en France pour faciliter l’intégration des immigrés maghrébins ? Ou bien vont-ils se contenter de demander la libération des auteurs d’attentats sous prétexte qu’ils ne sont que peu de chose en comparaison des horreurs de la colonisation ?
Tant qu’il n’y aura pas, venant de la gauche, une véritable réflexion sur la portée d’un raisonnement aussi haineux, la vérité n’aura que peu de poids en comparaison des fantasmes dont souffrent cette gauche bien-pensante et, à travers elle, une bonne partie de la population immigré de France. Et l’intégration de ces immigrés dans la population française n’en serra que bien plus difficile.
Gabriel Bendayan
La chanson de Martin Mubanga :
Ils ont dit que j’étais un terroriste, / Un assassin. / Ils ont dit que j’étais un terroriste, / Un bon à rien… Mais moi j’ai jamais rejoint la bande à Ben Laden/ Et maintenant je sais qu’être musulman c’est un truc profond…/ Et j’aime pas le gouvernement américain/ Peuvent aller sucer et pas des p’tites menthes.
Ecoutes les bombes qui tombent/ et les bébés musulmans qui meurent, / Ecoutes les bombes qui tombent/ et les mères musulmanes qui pleurent/ Ecoutes les bombes qui tombent/ Et les soldats musulmans s’enfuir/ Pourquoi ? Parce qu’ils veulent pas mourir.